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© DR - PERSONA d'Ingmar Bergman - 1966 p5
16/02/2013 17:19
Commentaire par Olivier Bitoun (suite 3)
Persona s’ouvre sur les filaments de la lampe d’un projecteur qui s’échauffent jusqu’à la naissance de l’arc électrique. La lampe s’amorce, la pellicule commence à défiler, rythmée par les claquements de la boucle.Nous sommes dans le projecteur, nous voyons défiler la pellicule dans le couloir de projection, d’abord l’amorce puis un dessin animé des premiers âges, personnage tête en bas.
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Si dès l’ouverture le support, la pellicule, est omniprésente, dans un mouvement inversé le film parasite cette matière : dès l’amorce, Bergman insère au milieu des chiffres qui défilent, l’image d’un sexe en érection (qui a disparu dans la plupart des copies exploitées à la grande surprise de Bergman).
Plus tard, c’est le regard tout en intensité de Bibi Andersson qui fait sortir la pellicule de son couloir : celle-ci flambe et l’image s’évapore laissant place à un blanc immaculé. La matière même du film est comme contaminée par les drames qu’il raconte.
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© DR - PERSONA d'Ingmar Bergman - 1966 p6
16/02/2013 17:55
Commentaire par Olivier Bitoun (suite 4)
L’ouverture est fragmentée, stupéfiante, images éparses qui nous plongent d’emblée dans l’univers du film et de son créateur : un burlesque muet, avec diable fourchu et squelette (Le Septième sceau ?), une mygale (Bergman imagine souvent dans ses rêves Dieu sous la forme d’une araignée), un mouton qu’on égorge, son œil, ses viscères qui se répandent, des clous enfoncés dans une main (Les Communiants ?).Puis un mur, la neige sur une forêt, une grille, et l’on pénètre dans l’hôpital. Bergman poursuit sur une série de portraits de défunts : la bouche d’une vieille dame, des visages, des mains, un enfant allongé sous un linceul.
Un des visages est filmé tête en bas, comme si de nouveau nous observions le film depuis la lampe de projection. Après un cut imperceptible, les yeux de la morte se sont ouverts. Bergman, en ne filmant pas en continu la "résurrection", en usant d’un effet de montage, marque le passage d’un monde à un autre.
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© DR - PERSONA d'Ingmar Bergman - 1966 p7
16/02/2013 18:05
Commentaire par Olivier Bitoun (suite 5)
Persona est une histoire de frontières poreuses, frontières entre deux femmes, entre deux folies, entre le monde de la fiction et la réalité, entre différents niveaux de représentation. Ce simple cut est l’aboutissement d’une série de plans qui nous font pénétrer dans l’espace-temps du film. Tout d’abord le spectateur est placé au niveau du projecteur.
Celui-ci déroule un dessin animé, puis un film muet, objet purement cinématographiques, images des premiers temps d’un médium balbutiant.Les plans sur les mourants nous font un instant croire à une tentative de représentation de la réalité, mais le cut et la renaissance nous font de nouveau pénétrer dans un espace purement fictionnel.
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© DR - PERSONA d'Ingmar Bergman - 1966 p8
16/02/2013 18:12
Commentaire par Olivier Bitoun (suite 6)
C’est l’enfant qui ouvre les yeux, c’est la musique qui s’élance, hypnotique, et nous fait entrer dans Persona. L’enfant se place face caméra, nous regarde, avance sa main et touche l’écran, notre écran, dans ce qui semble être de prime abord une tentative de contact avec nous spectateurs.La perspective s’inverse et nous nous retrouvons dos à l’enfant. Sa main caresse la surface lisse sur laquelle évolue le visage d’une femme. Par le double mouvement du cut et du changement de point de vue, Bergman nous a fait pénétrer dans le film.Nous rejoignons alors Elisabet Vogler dans ce monde de représentation dont elle est prisonnière et d’où elle tente de s’échapper. Nous sommes dorénavant aux côtés des créations de Bergman, nous voyons les artifices qui préexistent au film, nous sommes des personnages de fiction.
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© DR - PERSONA d'Ingmar Bergman - 1966 p9
16/02/2013 18:19
Commentaire par Olivier Bitoun (suite 7)
L’usage que Bergman fait de la bande-son participe pleinement à la création d’un univers mental et fantasmatique. Des contrepoints sonores viennent brouiller notre perception (un goutte-à-goutte obsédant sur la séquence d'ouverture) et s’associent à la musique de Lars Johan Werle, abstraite et expérimentale, pour façonner une ambiance inquiétante et glissante.
L’omniprésence des voix hors champ - Bergman filmant par exemple Liv Ullman alors que le docteur tient son discours, ou lorsque Bibi Andersson s’épanche sur son histoire - conforte l’immersion du récit dans la psyché de son personnage principal.La place prépondérante que Bergman accorde au son se retrouve dans la minutie avec laquelle il compose l’atmosphère sonore de son film. Il va jusqu’à postsynchroniser Bibi Andersson dans la scène où elle parle de ses expériences érotiques, afin que ses intonations et son timbre coïncident parfaitement avec les expressions de son visage.
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