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© DR - BLOW UP de Michelangelo Antonioni (1967) p4
30/12/2012 15:45
Tournage
Antonioni, réalisant un film à Londres, avait tenu à amener là-bas toute une équipe technique italienne, engendrant des frais de production considérables. Au bout du temps de tournage imparti, il s'entretient avec son producteur (et ami) Carlo Ponti, et lui fait valoir qu'il a besoin d'une rallonge de crédit pour terminer son film : il n'a pas encore tourné la scène centrale notamment, celle du meurtre.
Mais l'habitude d'Antonioni (commune à tous les cinéastes"à dépassement") de ne jamais tourner au début les scènes importantes afin de faire pression sur le producteur le moment venu est bien connue de Carlo Ponti, qui cette fois ne cède pas. Antonioni doit rentrer en Italie, et envisager le montage du film sans certaines des scènes essentielles à la compréhension du spectateur.
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© DR - BLOW UP de Michelangelo Antonioni (1967) p5
30/12/2012 15:50
Réception
Le film fit scandale à sa sortie en Grande-Bretagne :c'était la première fois qu'on montrait dans un film britannique un corps féminin entièrement dénudé (en l'occurrence, celui de Jane Birkin). Cinq minutes en furent d'ailleurs coupées par le comité de censure de la dictature de la Révolution argentine.
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Fiche technique
Titre : Blow-Up
Réalisateur : Michelangelo Antonioni
Scénaristes : Michelangelo Antonioni,
Tonino Guerra et Edward Bond
d'après une nouvelle de Julio Cortázar,
Las Babas del Diablo
(tr. : Les fils de la vierge
Les armes secrètes (recueil de nouvelles))
Producteur : Carlo Ponti
Musique : Herbie Hancock
Photographie : Carlo Di Palma
Monteur : Frank Clarke
Chef décorateur : Assheton Gorton
Format : Couleur (Metrocolor) - 1,85:1
Pays : Royaume-Uni, Italie, États-Unis
Genre : drame
Durée : 112 minutes
Date de sortie : 18 décembre 1966
Date de sortie en France : 1967
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© DR - BLOW UP de Michelangelo Antonioni (1967) p6
30/12/2012 15:55
Cast
David Hemmings : Thomas
Vanessa Redgrave : Jane
Peter Bowles : Ron
Sarah Miles : Patricia
Jane Birkin : jeune fille blonde
Gillian Hills : jeune fille brune
John Castle : Bill le peintre
Harry Hutchinson : l'antiquaire
Veruschka : (joue son propre rôle)
Susan Brodrick : la propriétaire du magasin d'antiquité
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Scénario et personnages Le personnage de Thomas fut inspiré à Antonioni par le photographe David Bailey. Les personnages de Thomas (David Hemmings) et de Jane (Vanessa Redgrave) ne sont jamais appelés par leurs noms de tout le film, mais uniquement dans le scénario. Antonioni aime que les personnages soient les plus anonymes possibles.
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© DR - BLOW UP de Michelangelo Antonioni (1967) p7
30/12/2012 16:05
Cinéclub de Caen -Analyse
Blow-up retrace avant tout le parcours d'un jeune homme, Thomas, qui essaie de sortir du milieu de photographe de mode, qui lui permet de gagner sa vie, pour devenir photographe d'art. L'intrigue policière constitue un écho, une variation à cette initiation. Elle est aussi et surtout une épreuve pour le spectateur qui, a chaque vision du film, ressort aussi ereinté que Thomas en ayant fait, comme lui, l'expérience de la multiplicité des regards à porter sur le monde.Blow-up est le récit d'une perte de contrôle et d'un apprentissage. Thomas, prenant conscience de son incapacité et de l'impossibilité de s'approprier le réel, apprend à le questionner, à revoir ses positions face à celui-ci et à prendre conscience du signe.
Thomas ne cesse de se tromper au cours du film et, en cela, accomplit bien un parcours initiatique (Selon le mythe de la caverne de Platon, l'erreur est nécessaire à la connaissance : au départ, on ne voit que les ombres, la connaissance c'est le mouvement de détournement, lorsque l'on se retourne pour voir l'objet réel).Thomas croit pouvoir maîtriser la réalité dans son studio de photos mais se trouve confronté à une réalité beaucoup plus complexe dans le parc. Il fait d'abord l’expérience du contact avec le monde réel par l’entremise de la photographie, laquelle n’était envisagé par lui jusqu’alors que comme un moyen de production, de fabrication d’images, d’icônes. Il redécouvre presque par hasard la capacité d’enregistrement et de témoignange de l’image photographique mais en surestime la portée.
Il croit d'abord avoir empêché un crime avant de comprendre qu'il n'a rien empêché du tout. Il croit tout pouvoir prouver avec la technique, celle de la photo, mais la preuve lui glisse entre les doigts. Thomas a beau se moquer de son ami peintre qui n'arrive pas à vendre ses "gribouillages", il sait que celui-ci possède un net avantage sur lui : il laisse advenir la réalité, le sens n'arrive pas de suite, il faut d'abord que le mystère prenne. Tel est probablement le sens du fameux son de la balle de tennis que veut bien percevoir Thomas à la fin du film. L'insert en parallèle de cette acceptation d'un son imaginaire d'une toile de son ami peintre suggère qu'il l'a rejoint dans son parcours artistique.
Au terme du film, Thomas a probablement beaucoup évoluer. Mais c'est aussi le spectateur qu'Antonioni cherche à mettre à la question.Beaucoup de commentateurs d'Antonioni qui insistent pourtant bien sur le côté très maîtrisé de son œuvre, où chaque objet qui pénètre dans le cadre semble avoir été longuement prémédité, ne semblent pas être sensibles au paradoxe qu'il y a à faire d'Antonioni l'apologue de la perte de maîtrise ou, ce qui revient au même, à faire de ce cinéaste toujours en quête de l'identification, de la communication difficile entre les êtres,le cinéaste de l'incommunicabilité.Dans l'Image-temps Gilles Deleuze proposait un paradoxe autrement intéressant : si Antonioni est le maître du "cadre vide et déserté" c'est parce que cela lui permet de mettre en place des "espaces indéterminés qui ne reçoivent leur échelle que plus tard, dans ce que Noël Burch appelle un "raccord à appréhension décalé plus proche d'une lecture que d'une perception."
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© DR - BLOW UP de Michelangelo Antonioni (1967) p8
30/12/2012 16:26
Verushka Von Lehndorff
Cinéclub de Caen -Analyse(suite)
En d'autres termes me semble-t-il, Antonioni ne pose pas l'absence de sens comme une évidence (genre : qu'importe la réalité puisque réalité et illusion sont de même nature) mais met en scène un dispositif où un seul regard ne peu suffire à prouver quoi que ce soit. C'est en confrontant les différents regards mis en jeu dans le récit que le spectateur peut lire la réalité qui ne se dérobe pas mais ne s'offre pas non plus immédiatement et sans déchiffrement.
Le film met en jeu quatre instance du regard, celui de Thomas, celui de son appareil photo, celui du spectateur et celui d'Antonioni lorsqu'il abandonne la prise en charge par l'une des trois instances précédentes pour provoquer un signe visible de mise en scène. La première et la quatrième instances sont des regards subjectifs alors que celle de l'appareil photo rejoint dans une égale neutralité apparente celle du spectateur.
Appartient ainsi au spectateur de décider si, oui ou non, il y a eu meurtre. Il est à peu près certain que le spectateur innocent, celui qui voit le film pour la première fois ne pourra être sur de rien. A la re-vision, les choses s'éclairent toutefois assez facilement. Dans le parc, le spectateur bénéficie d'un regard privilégié par rapport à Thomas et son appareil photo. Lorsque Jane s'enfuit après avoir vainement tenté de récupérer le rouleau de photos, on la voit, certes au fond d'un plan général, regarder à ses pieds et faire un écart apeuré à cause d'une forme allongée.
Sur le vert de la pelouse, le spectateur attentif distingue l'habit gris bleu du cadavre et en déduit assez facilement qu'il s'agit de l'homme qui embrassait Jane tout à l'heure. Lorsque Thomas mène l'enquête à partir des photographies on voit aussi nettement un visage plutôt jeune caché dans le buisson et la forme qui émerge en dessous est sans conteste un revolver. Certes dans la deuxième partie de l'enquête, après l'amour à trois avec la blonde et la brune, Thomas n'arrive pas à prouver qu'il y a bien un cadavre, l'agrandissement n'aboutissant qu'à grossir le grain qui forme un brouillard.
La photo ne prouve rien, et il est alors obligé de se déplacer dans le parc où il constate qu'il y a bien eu meurtre et qu'il s'agit de l'homme du matin. En se souvenant alors de l'étrange scène de l'observateur insistant qui a dérangé Thomas et Ron lors du déjeuné et qui a vainement tenté de récupérer quelque chose dans le coffre de la voiture, il n'est pas bien difficile de voir que Thomas se trompe encore en croyant que c'est le vieil amant que l'on a assassiné. Il s'agirait plus classiquement du mari que Jane et son amant ont entraîné dans un piège visant à l'éliminer. Cette hypothèse n'est toutefois pas indiquée dans le film.
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