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©-DR-LES RAISINS DE LA COLERE de John Ford (1940) p10
04/05/2014 15:36
Adaptation fidèle et sincère quoique légèrement édulcoré du roman de John Steinbeck, "The Grapes of Wrath", film de 1940, expose les effets de la Grande Dépression américaine des années 30 sur une partie de sa population.
La Grande Dépression,c'est le chômage,la pauvreté et c'est ainsi que l'image "irréprochable" des Etats-Unis est fortement mise à mal, fragilisée, le système capitalisme également ; ce dernier apparaissant comme inhumain. Cependant, John Steinbeck comme John Ford, le réalisateur du film, n'a rien fait de plus qu'une description de la misère. On les accusa d'être communistes, incitant à la lutte des classes, pourtant, à mon sens, le film ne s'apparente pas à une propagande pro-rouges mais à la dénonciation des injustices sociales qui existaient aux Etats-Unis. Existaient ou existent, difficile de faire la part des choses : cette époque est certes totalement révolue mais l'une des idées maîtresses de cette œuvre n'est pas moins que la condition humaine...
L'homme est exploité par son semblable et cette situation se retrouve malheureusement dans toutes les sociétés humaines confondues. Toutefois, le film n'est pas tout à fait noir du point de vue humain : l'espoir, donnée universelle, y est présent au travers de la famille Joad. Celle-ci est certaine qu'au bout du calvaire, la récompense sera là, une récompense somme toute désuète pour certains d'entre nous puisqu'elle ne consiste qu'en une agréable maison et une vie faite de choses simples.
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©-DR-LES RAISINS DE LA COLERE de John Ford (1940) p11
04/05/2014 15:40
Après le passage du bulldozer
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Cependant, malgré l'espoir, la famille Joad est confrontée à son éclatement. Tout d'abord, par la mort du grand-père, puis de la grand-mère, la fuite de Connie et enfin le départ de Tom. Mais l'éclatement familial se manifeste aussi d'une autre manière : le conflit des générations. Plus les membres de la famille sont jeunes, moins le voyage ne parait être une contrainte. La Terre des ancêtres n'a pas la même symbolique pour Grandpa que Ruthie ou Wilfried.
Le dernier thème majeur de "The Grapes of Wrath" est la mécanisation. On assiste à la transformation de l'agriculture et par la même de tout le monde traditionnel. Bien que s'inscrivant dans la logique du progrès, la modernisation engendre des laissés pour compte. L'exclusion qui touche cette population conduit à un certain clivage de la société. En outre, les anciens paysans se voient expropriés de leur Terre, l'héritage de plusieurs générations, leur "patrie" est malmenée par ses grosses machines mécaniques.
Les personnages, composés essentiellement des membres de la famille Joad, sont le reflet de vrais Américains. Ils sont le peuple, le peuple qui se bat, le peuple qui représente la puissance mais aussi la pauvreté de leur vaste pays. Il faut compter avec tous ceux qui ne vivent pas le rêve américain mais qui n'en restent pas moins le poumon des Etats-Unis. Le pasteur, bien que déchu, insuffle au début du film une dimension religieuse à l'ensemble pour ensuite mettre en valeur une dimension sociale tandis que lui-même évolue en devenant leader syndical.
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©-DR-LES RAISINS DE LA COLERE de John Ford (1940) p12
04/05/2014 15:46
Pour présenter ses thématiques,rien n'est plus précieux que l'ingénieux travail de John Ford qui donne son esthétisme au film. Les éclairages crépusculaires, à la bougie ou par les phares des voitures, créent une atmosphère chaleureuse autour des personnages unis, disposés les uns près des autres. Les gros plans mettent en valeur leur détresse tandis que les plans plus larges subliment les paysages en noir et blanc.
L'interprétation, avec des acteurs aussi talentueux les uns que les autres, sert magnifiquement le roman original. Le charismatique Henry Fonda, dont le regard reflète sensibilité et sérénité, est une nouvelle fois l'incarnation du courage de l'homme prêt à risquer sa vie contre l'injustice,un homme qui n'est toutefois pas irrépréhensible puisqu'il a un passé carcéral. John Carradine joue tout en finesse le rôle de l'ancien pasteur tandis que Jane Darwell a tout de la femme nostalgique mais qui refuse de regarder en arrière, la déterminée Ma Joad.
En guise de conclusion, cette œuvre puissante, émouvante et par moment révoltante pousse à la réflexion chacun d'entre nous. Riches ou pauvres, quelles sont les vraies valeurs de la vie ? Quelle place avons-nous vis-à-vis de nos semblables ? Le progrès technique n'engendre-t-il pas un récession morale ? Ce grand film de réalité sociale avec une parabole sur le motif biblique de la Terre Promise de par ses références à l'Exode, ce chef d'œuvre d'humanisme, est tout simplement bouleversant.
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©-DR-LES RAISINS DE LA COLERE de John Ford (1940) p13
04/05/2014 17:04
"Et les dépossédés, les vagabonds, affluèrent en Californie, 250 000 puis 300 000. Derrière eux les tracteurs tout neufs investissaient la terre et les fermiers étaient expulsés de force.
De nouvelles vagues se formaient, de nouvelles vagues de dépossédés
et de sans abris, durs, résolus et dangereux …"
- Les Raisins de la colère, John Steinbeck
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DVD Classik
ANALYSE ET CRITIQUE (Par François-Olivier Lefèvre - le 22 mai 2004
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De 1929 à 1939, les Etats-Unis connaissent la crise économique la plus importante de leur histoire. En 1932, un tiers de la population est au chômage et les démunis affluent sur les routes de l’Ouest en quête de travail. John Steinbeck, en prise avec son temps, écrit Les Raisins de la colère. Le roman sort en librairie en 1939 et rencontre un large public ému par le drame vécu par ces fermiers de l’Oklahoma, ceux que l’on surnomme familièrement les Oakies. Les studios hollywoodiens, en quête du moindre succès théâtral ou littéraire, s’intéressent au roman afin d’en réaliser une adaptation grand public.
Finalement c’est la 20th Century Fox qui en acquiert les droits contre 75 000 dollars. Darryl Zanuck, nabab du studio, souhaite profiter du succès du livre et réaliser une grande fresque dans les meilleurs délais. Nunnally Johnson est chargé de scénariser le roman tandis que Zanuck part en quête d’un réalisateur. Rapidement, il se tourne vers John Ford qui trouve dans le texte de Steinbeck un terreau idéal pour exploiter certains de ses thèmes de prédilection que sont l’homme face à l’injustice, l’éclatement de la famille ou encore le conflit des générations devant la modernisation de la société.
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©-DR-LES RAISINS DE LA COLERE de John Ford (1940) p14
04/05/2014 17:11
Le tournage du film, qui se présente comme un des premiers grands "road movies" de l’histoire du cinéma américain (1), débute en Oklahoma pour se terminer en Californie. Ford et son équipe suivent le chemin des Oakies et tournent l’essentiel des séquences en milieu naturel. Au terme de la réalisation, le film est rapidement monté et sort sur les écrans en mars 1940. Le succès est au rendez-vous, le film remporte deux Oscars et aujourd’hui encore,Les raisins de la colère est acclamé par la critique comme un chef-d’œuvre d’humanisme .Ce film aux valeurs universelles n’est pas le simple témoignage d’une crise sociale et économique, il va bien au-delà.
Dans un premier temps, il est bon de rappeler que l’histoire des Oakies ne reflète pas la situation de l’ensemble des paysans américains puisque dès 1932, la majorité des travailleurs agricoles reçut des aides de l’état. Le cas des familles de l’Oklahoma était donc exceptionnel et il faut rappeler que la crise, appelée couramment "Great depression", a essentiellement touché la population des villes.
Dans The grapes of wrath, John Ford crée une opposition entre le monde citadin et celui de la campagne qui n’est pas juste au regard de l’histoire : dans chacune des scènes qui voient la famille Joad entrer en ville, Ford dépeint un monde riche et renfermé qui rejette et met en exergue la pauvreté des Joad et par extension celle du monde rural. Dans la ville, tout est payant (Ford filme de façon récurrente des panneaux annonçant le tarif de l’eau ou du camping), les voitures modernes klaxonnent et bousculent le vieux camion des Joad, le regard des citadins fuit le spectacle de la misère…
Pourtant la pauvreté n’était pas absente de la cité, bien au contraire : c’est au sein des grandes mégalopoles que la crise atteignait son paroxysme et sur ce point Chaplin, avec ses Temps modernes (1936), avait une approche plus fidèle de l’Histoire. Ceci prouve que l’objectif de Ford n’était pas de signer un film documentaire mais plutôt de se poser au carrefour des civilisations. Comme souvent chez le cinéaste, les symboles embrassent l’histoire avec une ampleur infinimentplus large que celle décrite par le scénario.
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