Bio-filmographie ...
Giuseppe de Santis, né le 11 février 1917 à Fondi (Italie) † 16 mai 1997 (Rome)
Malgré une carrière plutôt brève, jalonnée par une petite douzaine de films, Giuseppe De Santis est l’un des meilleurs représentants du néoréalisme italien et, en particulier, de son versant rural.
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Plusieurs de ses longs métrages décrivent en effet le travail des champs, s’interrogent sur les rapports de production dans les campagnes. On pense bien sûr à Riz amer (1949), son oeuvre la plus célèbre, qui rencontra un succès international et révéla les acteurs Silvana Mangano et Raf Vallone. Ce film a pour héroïnes les mondines , ces ouvrières agricoles s’éreintant dans les rizières de la plaine du Pô.
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En fait, De Santis aborde le monde rural dès 1947, dans Chasse tragique : à la fin de la guerre, les paysans d’une coopérative agricole doivent affronter des bandits à la solde de grands propriétaires terriens. En 1950, le réalisateur pose cette fois la question de la possession des troupeaux avec l’une de ses oeuvres les plus emblématiques : Pâques sanglantes. Le film retrace l’histoire d’un berger (Raf Vallone) qui, à son retour de laguerre, ne peut récupérer son troupeau, accaparé par un riche propriétaire.
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Sa révolte individuelle, sa vengeance, qui évoquent les tragédies antiques, permettront la prise de
conscience collective des petits paysans. Comme le proclame le titre original, il n’y a pas de paix sous les oliviers. Giuseppe De Santis poursuit, en 1956, son exploration du monde rural avec Hommes et loups : Yves Montand y interprète le rôle d’un de ces « lupari », chargés de protéger un village des Abruzzes des attaques des loups.
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Le réalisateur aborde le thème de la soumission au puissant et récurrent propriétaire terrien. Pour les villageois, il est pire danger que les loups.La condition des femmes,en particulier sur leur lieu de travail, constitue l’autre grande préoccupation de Giuseppe De Santis. Riz amer, d’abord, exprime avec véracité l’épuisante tâche des mondines. Onze heures sonnaient (1951) s’inspire d’un fait divers
réel : à Rome, deux cents jeunes chômeuses se présentent, suite à une petite annonce, chez un employeur. À l’adresse indiquée, une foule dense s’agglutine dans l’escalier.
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Celui-ci s’écroule. Dans un souci de vérité, ce film a été précédé par une minutieuse enquête sociale sur le chômage féminin. Pour De Santis, membre du Parti communiste italien, le cinéma est clairement un moyen de montrer une réalité sociale pour la transformer. Le cinéma est un engagement. Pour autant, le réalisateur ne s’est pas enfermé dans l’orthodoxie dont on l’a parfois accusé. Riz amer refuse de réduire les mondines au seul statut de travailleuses. Quand elles dansent le boogie-woogie et lisent des romans-photos, apparaît chez elles la part de rêve.
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Sous la caméra de Giuseppe De Santis, exhale de ces jeunes femmes une forte sensualité, y compris dans leur labeur, dans les rizières. Les jambes nues des mondines, et surtout celles de Silvana Mangano, produisirent à l’époque un érotisme audacieux et inattendu dans une oeuvre néoréaliste.
Vers la fin des années cinquante, les conceptions cinématographiques de De Santis sont moins prisées dans son pays. Progressivement, le public et la critique le boudent. Les producteurs aussi.
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Il réalise alors un film en Yougoslavie (Un an de route) et un autre en URSS (Marcher ou mourir). Celui-ci, tourné en 1964, évoque, pendant la Seconde Guerre mondiale, un corps expéditionnaire italien envoyé sur le front de l’Est : des hommes du peuple broyés par un conflit qu’ils n’ont pas voulu.
Giuseppe De Santis tourne son dernier film en 1971, Un homme d’avenir. Nouvel échec commercial. Les milieux cinématographiques vont alors le tenir à l’écart, ce qui sera pour lui une longue souffrance. Ce n’est qu’en 1995, deux ans avant sa mort, qu’un lion d’or lui est décerné à Venise, pour l’ensemble de son oeuvre. Cette récompense a-t-elle suffi à effacer son amertume ?
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Bruno Vincens, « Giuseppe de Santis pleins champs », L’Humanité, 1er juin 2005, à l’occasion de la rétrospective Giuseppe de Santis à la Cinémathèque de Toulouse