S’il réconcilie réalisme documentaire et dimension baroque, Riz amer subit, du point de vue narratif l’influence du cinéma hollywoodien.Plus particulièrement,le film de De Santis convoque deux genres marqués du sceau de la fatalité qui,dans les années 40,dominent le cinéma américain et se contaminent l’un l’autre : le film noir et le mélodrame.
L’intrigue criminelle est annoncée dès les premières images, à travers le personnage de Walter, le bandit interprété par Vittorio Gassman. Cette intrigue sera ensuite relayée par une histoire sentimentale, qui met en rivalité Francesca, sa compagne et Silvana, "femme fatale"et victime expiatoire qui incarne à elle seule la portée mélodramatique du film, son mélange de romantisme rose et de fatalité noire : « la tête perdue dans les rêves, les jambes sculpturales maculées de vase, la travailleuse des rizières symbolise une
jeunesse inconsciente, intoxiquée par la presse du coeur, les mélos de pacotille et les bandes dessinées, et de ce fait, incapable de comprendre sa condition et de s’engager dans le combat de la solidarité ouvrière, donc, condamnée, par sa vie factice, à un anéantissement irrémédiable. ». Même si elle a pu décevoir une partie de la critique et des historiens du cinéma – Georges Sadoul n’y verra qu’ « outrances ou facilités dramatiques »
2 - cette surenchère dramatique apporte au film une couche de lecture supplémentaire et témoigne de l’expansion considérable de la culture américaine dans l’après-guerre. A propos du final, scène la plus explicitement empruntée au film noir, le critique Louis Chauvet parlera d’ "un véritable bain de sang digne du film hollywoodien le plus violent." (Le Figaro, 09/09/1949). Ha ha ! "bain de sang"...ya trois gouttes qu'est-ce qu'il dirait le Louis Chauvet des films en 2014 !