QUELQUES PISTES DE PRESENTATION
« Le lyrisme déborde et fait la preuve que le néo-réalisme ne se suffisait plus à lui-même »
Revue Action, 13/09/1949
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Une épopée sociale : la foule sublimée
Largement placé sous le signe du collectif, Riz amer frappe par sa virtuosité et par sa mise en scène majestueuse de la foule. Dès la première séquence, d’amples mouvements de caméra accompagnent la marche des « mondines » vers le train qui les mènera à la plaine du Pô. Par la suite, De Santis confèrera aux scènes de récolte une dimension opératique renforcée par le chant des ouvrières, moyen poétique de
communiquer qui n’est pas sans évoquer le blues libérateur des champs de coton.
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Les choix de mise en scène donnent ainsi à cette chronique sociale un aspect épique et héroïque qui place De Santis sous l’égide de deux grands noms. D’un côté, le cinéma révolutionnaire d’Eisenstein (La grève, 1925 ; Le Cuirassé Potemkine, 1925)– que le réalisateur découvre lors de sa formation au Centre Expérimental de Cinématographie. De l’autre, la démesure et la fibre sociale d’un King Vidor, réalisateur hollywoodien du bien nommé La Foule (1928) et du mythique et déjà musical Hallelujah (1929).
Comme le notera Georges Altman au moment de la sortie de Riz amer : « Comme les Russes en leur temps, les Italiens d’aujourd’hui découvrent un monde et une nature d’une fraîcheur et d’une fougue telles qu’il semble qu’on ne les ait jamais vus et dits ainsi. On a parlé de « réalisme » mais la réalité est ici transposée dans une poésie large, profonde, où le documentaire même prend un aspect lyrique. »
(Ce soir, 15/02/1950)
Une oeuvre engagée, un regard documentaire
Cette ambition formelle est au service d’un engagement profond et personnel de la part du cinéaste. En effet, De Santis porte un regard inquiet sur une certaine classe ouvrière et, plus particulièrement, sur les conditions de travail des femmes. Dans Riz amer, poétique et politique sont ainsi imbriquées. Quant au choix de tourner dans des décors naturels, il relève autant d’une démarche esthétique que d’une position éthique propre aux cinéastes du néo-réalisme : témoigner d’une réalité sociale de la manière la plus
objective mais aussi la plus humaniste possible et interpeller le spectateur, comme le montre le regard-caméra du reporter dans le tout premier plan du film.
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On peut rappeler avec Roland Schneider que « Riz Amer est en premier lieu un document sur la condition rurale dans l’Italie d’après-guerre et la misère sexuelle des ouvrières de la péninsule. L’intrigue à suspense couvre avant tout un reportage violemment accusateur sur la situation inhumaine des « mondine », les ouvrières agricoles saisonnières du Piémont. » Et l’auteur d’ajouter : « En parfait technicien, le styliste De Santis crie son indignation face aux abus et injustices envers les exploités. »
(« Le néoréalisme italien », Cinémaction, n° 70)
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC - 5 -
Une dimension tragique : l’influence du film noir et du mélodrame
« Le cinéaste de Riz amer et de La chasse tragique, dont toute l’oeuvre est résolument centrée
sur des problèmes sociaux et engagée au sens le plus complet du terme, enveloppe ses intrigues
dans un réseau qui est à mi-chemin du mélodrame et de l’opéra. »
Henri Agel, Cinémaction, n°70