Julie Christie,John Schlesinger,Lawrence Harvey
*
Cinéclub de Caen
John Schlesinger débute sur carrière au cinéma en Grande-Bretagne en tant qu'acteur dans les années 50. On le voit notamment dans La Bataille du Rio de la Plata de Michael Powell et Emeric Pressburger et The Last man to hang de Terence Fisher (1956). Dès 1958, il signe des séries télévisées pour la BBC, avant de se tourner vers la réalisation de documentaire, dont Terminus consacré au quotidien d'une ligne de chemin de fer, qui remporte de nombreuses récompenses.
Un an plus tard, il se tourne vers le long métrage avec le drame Un amour pas comme les autres, Lion d'or au Festival de Venise 1962. En 1963, John Schlesinger dirige pour la première fois Julie Christie dans Billy le menteur. Suivront Darling en 1965, qui vaudra à la comédienne l'Oscar de la Meilleure actrice, et Loin de la foule déchaînée en 1967.
En 1969, John Schlesinger part aux Etats-Unis tourner Macadam cowboy, sombre descente dans l'univers homosexuel interprétée par Dustin Hoffman et Jon Voight qui restera comme son chef d'oeuvre, avec trois Oscars à la clé (Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur scénario adapté). Retour en Grande-Bretagne et nouvelles nominations aux Oscars pour Un dimanche comme les autres (1971), avant de retrouver Dustin Hoffman cinq ans plus tard pour le thriller Marathon man, à nouveau marqué par une noirceur extrême.
*
Suivront notamment Yanks (1979), Les envoûtés (1987) et Madame Sousatzka (1988), Fenêtre sur Pacifique (1990) tous marqués par une vision sombre et décalée de la société.En 1993, John Schlesinger se tourne vers le thriller plus conventionnel avec Innocent et Au-delà des lois en 1996. Quatre ans plus tard, le réalisateur s'aventure sur le terrain de la comédie avec Un couple presque parfait incarné par Madonna et Rupert Everett.
Fils d'un pédiatre, Il est le frère aine d'une famille de 5 enfants. Schlesinger envisage d'abord une carrière d'architecte. Il a étudié littérature au collège Balliol à Oxford. Et il joue avec la Société Dramatique de l'Université d'Oxford et le Club de Théâtre et il a participé à des pièces montées par les étudiants.
*
Il entre dans le monde du spectacle pendant la Seconde Guerre mondiale, dans des shows pour les armées. Ensuite, à l'université d'Oxford, il participe comme acteur à des pièces de théâtre montées par les étudiants et commence à tourner de petits films. On le retrouve à la BBC-TV, en 1957, metteur en scène pour des séries documentaires et quelques épisodes de The Valiant Years, consacrés à Churchill.
En tant qu'acteur, il continue d'apparaître dans des films comme The Battle of the River Plate (M. Powell et E. Pressburger, 1956) et Brothers in Law (R. Boulting, 1957). C'est en 1961 qu'on le remarque en tant que metteur en scène de cinéma, avec un moyen métrage, Terminus, documentaire sensible et sobre sur l'atmosphère de grisaille quotidienne de la Waterloo Station à Londres (il obtient un Lion d'or à Venise).
Son association avec le producteur Joseph Janni, d'origine italienne, le conduit à réaliser Un amour pas Comme les autres (A Kind of Loving, 1962), mélodrame sombre dénonçant le conformisme suburbain et la vie sordide dans une communauté du nord de l'Angleterre, qui s'inscrit dans la tradition du Free Cinéma. Avec Billy le Menteur (Billy Liar, 1963), adaptation de la célèbre pièce de W. Hall et K. Waterhouse, rendue plus authentique par un tournage en lieux réels dans les rues de Bradford (Yorkshire), il fait découvrir au grand public Julie Christie, aux côtés de Tom Courtenay.
*
Conscients de son talent et de sa photogénie, Schlesinger et Janni construisent leur film suivant autour de la jeune actrice : Darling (id., 1965), d'après un scénario à l'amertume acerbe, de Frederic Raphaël. Julie Christie obtint un Oscar pour ce rôle et continua à travailler sous la direction de Schlesinger : Loin de la foule déchaînée (Far From the Madding Crowd, 1967) est une adaptation réussie du roman de Thomas Hardy évoquant l'ennui de la vie rurale anglaise, le poids des contraintes auxquelles les personnages tentent vainement d'échapper.De même que bon nombre de cinéastes britanniques de sa génération, Schlesinger part pour Hollywood. Mais ses films américains sont plus inégaux.
Macadam cow-boy (Midnight Cow Boy, 1969) est un point culminant dans sa carrière, puisqu'il obtient l'Oscar du meilleur film, et confirme le talent de Jon Voight et Dustin Hoffman, acteurs dont il va accélérer la reconnaissance par le grand public. Ce film, évoquant les tribulations tragicomiques de deux amis à la dérive, qui tentent de survivre dans la jungle de New York, est une des premières transpositions commerciales de l'univers et des sujets (prostitution masculine, par exemple) du cinéma underground, et plus particulièrement
des réalisations d'Andy Warhol.
À ce titre, Schlesinger est associé au renouvellement de la production hollywoodienne de la fin des années 60. Ses films suivants sont décevants. Le Jour du fléau (The Day of the Locust, 1975), adaptation assez plate du roman incisif de Nathanael West sur le Hollywood des années 30, Honky Tonk Freeway (1981) furent des échecs. Seul Marathon Man (id., 1976), thriller très tendu à propos d'anciens nazis vivant tranquillement à New York, fut un succès.
Le contexte britannique semble mieux lui convenir. En témoignent les deux films qu'il a réalisés en Angleterre pendant la même période. Un dimanche comme les autres (Sunday Bloody Sunday, 1971) reste une des représentations les plus sensibles et les plus nuancées de l'homosexualité dans le cinéma de l'époque ; Yanks (1979) fait le portrait chaleureux d'un petit village anglais pendant la Seconde Guerre mondiale, où des liens s'établissent de manière impalpable entre la population locale et les soldats américains stationnés dans la région.
Cinéaste éclectique, Schlesinger continue à réaliser des documentaires (épisode The Longest, dans Visions of Eight, sur les jeux Olympiques de Munich, 1973). Il s'est aussi essayé à la mise en scène d'opéra. Il a réalisé pour la BBC An Englishman Abroad (1983), remarquable évocation de l'espion anglais Burgess, puis à Hollywood le Jeu du faucon (The Falcon and the Snowman, 1984), également inspiré par le monde des services secrets. En 1987, il décrit, en utilisant les recettes du thriller, l'Amérique gangrenée par les sectes et le surnaturel : les Envoûtés (The Believers).
*
Puis, de retour dans son pays natal, taille un rôle à sa mesure pour Shirley MacLaine, celui d'un professeur de piano possessif et exclusif qui tente d'inculquer les valeurs culturelles occidentales à son jeune élève d'origine indienne (Madame Sousatzka, 1988). Il signe ensuite Fenêtre sur le Pacifique (Pacific Height, 1990), A Question of attribution (TV, 1992), The Innocent (1993).
2003 Le réalisateur britannique John Schlesinger est mort le 25 juillet au centre médical de Palm Springs (Californie) aux États-unis à l'age de 77 ans à cause d'une maladie cardiaque. Il ne s'était jamais vraiment remis d'un infarctus il y a deux ans et sa santé s'était détériorée depuis.