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©-DR- JULIETTE OU LA CLEF DES SONGES de Marcel Carné (1951) p10
08/02/2017 09:36
7 - CARNE, APOCALYPSE NOW ET VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER
M.C Je crois que c'est plutôt un don, c'est une qualité d'être sensible, non? Surtout si on est artiste. Par exemple, je vais vous dire, j'ai eu une conversation singulière avec un ami hier, nous sommes allés voir Apocalypse Now, il aimait beaucoup et moi je lui dis que je préférais Voyage au bout de l'enfer. Mais lui dit qu'Apocalypse Now lui semble plus vrai.
Et alors que la guerre fait rage qu'ils peuvent se faire tuer d'un moment à l'autre, cherchant à se distraire, tout d'un coup c'est le capitaine qui veut faire du surf à 2 km de l'ennemi, et il lui semble (à cet ami) que la guerre du Vietnam c'était ça, et j'ai répondu que dans ce domaine il avait raison. Mais aucun personnage ne m'a touché dans Apocalypse Now, je trouve déjà l'histoire très petite pour ce style de film aussi important, alors que les personnages m'ont infiniment plus ému dans Voyage au bout de l'enfer.
Autrement dit, cet ami juge peut-être parce qu'il a 22, 23 ans, mais moi je juge sur un plan beaucoup plus sensible que lui. Lui c'est une sorte de raisonnement, d'analyse psychologique à laquelle il se livre, alors que moi je suis ému plus par des sentiments, par des réactions, des êtres, par leur psychologie propre, leur tempérament propre, et ça je sais pas si c'est l'âge, si c'est le fait que je suis plus sensible que lui, j'en sais rien.
8 - CARNE ET SON DON
M.C Mais ce qu'il y a qui m'étonne, c'est quand même qu'après des années et des années de métier, chaque fois que je fais un film j'apprends quelque chose. Q Dans quel domaine ? M.C Dans le domaine de mon métier, dans la façon de présenter les choses, de placer les gens, de faire jouer, dans le rendu cinématographique, dans ce que ça va donner à l'écran, dans ce qu'il faut faire ou ne pas faire. C'est pas seulement le métier ça, ou alors c'est que c'est un métier constamment perfectible. Q Mais vous n'avez pas l'impression de recommencer de zéro à chaque fois ? M.C Ah non ! Mais tout de même, si je reste 2-3 ans sans faire un film, ça m'est arrivé, j'ai pas une certitude, une assurance complète les 48 premières heures, ça vient au 3°jour. Mais je vous disais tout à l'heure que je sens la scène, je pourrais pas la faire autrement, j'ai une espèce de sûreté dans ma façon de voir la scène, de cadrer. Ça je crois, que si j'ai un don, c'est celui là, d'exprimer quelque chose par l'image, faut que l'image parle d'elle même. Et je déplore qu'aujourd'hui dans le cinéma français, tout au moins, que le dialogue prenne autant d'importance, mais il n'y a rien à faire, ça c'est les scénaristes français, qui font dialoguer les gens, mais ne montrent pas les choses, qui les explique mais ne les montre pas...
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©-DR- JULIETTE OU LA CLEF DES SONGES de Marcel Carné (1951) p11
09/02/2017 06:25
Jean-Roger Caussimon
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9 - CARNE ET JEAN RENOIR
Q À propos de Simenon, que pensez-vous de l'adaptation de Renoir de La Nuit du carrefour ? M.C J'aime beaucoup, je vais vous dire, j'aime beaucoup même si on comprend rien, ça m'est égal, ça, on comprend rien du tout ! Voyez, j'adorais le talent de Renoir, un immense metteur en scène. Et une grande tristesse dans ma vie c'est que l'homme, je peux le dire, n'était pas à la hauteur de l'artiste. Dans le livre je dis ce que je pense de Renoir, comment je lui ai facilité des films, à commencer par La Grande illusion, à commencer dans l'ordre par La Vie est à nous, La Bête humaine. Il a toujours eu une sorte de mépris pour moi, je le sentais. Q Parce que vos conceptions du cinéma étaient tellement différentes ? M.C Non, on était un peu dans le même domaine, les drames psychologiques que j'ai fait c'était un peu... Q Tandis que son style sur le plateau, c'était beaucoup plus quoi ? Il permettait l'improvisation à ses acteurs, non ? C'était pas vrai ? M.C Beaucoup moins que... C'était un très mauvais comédien à l'écran mais sur un plateau un comédien extraordinaire, vous savez qu'il disait « Bon, coupez ! C'est parfait, merci, (tout juste s'il ne prenait pas la main de l'actrice) On ne pourra pas faire mieux, vous avez été géniale, mais tout de même c'était tellement bien je voudrais le voir encore une fois, on va le tourner à nouveau, faites moi plaisir » et ça n'en finissait pas ce genre de chose. Cétait pas, comme on dit, un élève des jésuites pour rien ! Q Mais vous êtes d'accord que La Règle du jeu et La Grande illusion sont des grands films ? M.C La Règle du jeu oui, je me suis battu avec des spectateurs pour La Règle du jeu au cinéma Colisée parce qu'ils chahutaient, ils hurlaient, et je les ai traités de bandes de cons, malgré que je n'étais pas très content de Renoir, mais je l'ai fait parce que... Et La Grande Illusion moins, je trouve qu'il y a un coté poujadiste, à vouloir faire plaisir à tout le monde, il y a le bon juif, il y a le bon officier sorti du rang qu'est Gabin, le bon officier de carrière qu'est Fresnay.
Vous savez qu'au début de La Grande illusion, moi je le sais bien puisque c'est le producteur qui a fait Jenny - et c'est comme ça que je lui ai parlé de Renoir - qu'il l'a vu et qu'il a fait La Grande illusion, au début, et c'est lui qui me l'a raconté plusieurs fois, l'histoire c'était l'antagonisme de l'officier de carrière, noble enfin d'un certain rang, et l'officier sorti du rang. Et c'est quand ils ont eu l'idée d'engager Stroheim pour faire l'officier allemand que tout a dérapé et que Gabin finalement fait de la figuration ou presque, il fait pas grand chose, mais le véritable sujet du film c'est l'antagonisme entre Stroheim et Fresnay. Mais je vous dis, ce désir de plaire enfin pour employer un terme un peu odieux, cette putasserie... Q Mais c'est Octave dans La Règle du jeu qui dit que « Tout le monde a ses raisons » et c'est un peu ça que Renoir essaie de montrer, il n'y a ni méchants ni bons. M.C Non, ça justement y avait pas toujours. Vous me direz c'est un scénario de Prévert, regardez dans Le Crime de Monsieur Lange, Jules Berry est vraiment un salaud. Q Oui mais ça c'est un cas unique car c'était le moment gauchiste de Renoir, n'est-ce pas ? M.C Oui je sais, à l'époque du Front Populaire il a flairé le vent. Enfin je vous raconte pas, tout ça vous le lirez dans le livre.
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©-DR- JULIETTE OU LA CLEF DES SONGES de Marcel Carné (1951) p12
09/02/2017 06:40
https://fr.wikipedia.org/wiki/Suzanne_Cloutier
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DVD Classik(fin)
10 - LA SCENE DU MEURTRE DANS LE JOUR SE LEVE
M.C Le meurtre dans Le Jour se lève n'est pas gratuit. Est-ce que vous avez compris dans quel intention vient Jules Berry ? Q Il a un revolver et il vient pour le tuer, pour tuer Gabin ? M.C Vous croyez que c'est ça ? Non ce n'est pas ça. Il venait pour que Gabin le tue. Il voulait être tué par Gabin. Parce que ça ne l'intéressait pas de tuer Gabin. Je sais que tout le monde n'a pas compris, c'est pas assez clair, il y a une faute de mise en scène. Imaginons qu'il vienne pour tuer Gabin mais il ne va pas jeter son revolver comme ça, il le garde dans sa poche la main dessus et le moment venu il tuera Gabin. Qu'est-ce qui arrive s'il tue Gabin? Il va aller en prison pour au moins 15/20 ans et finira ses jours en prison.
Mais imaginez une seconde, sa vie est finie, il n'a plus la petite, il n'a plus Clara non plus, la vie ne l'intéresse plus. Il imagine donc de se faire tuer par Gabin, car s'il se suicide les autres vivront heureux, la petite et Gabin, et lui sera mort pour rien, mais imaginez si Gabin le tue ? Gabin finira ses jours en prison et sera séparé de la petite, et c'est pour ça que quand il vient il lui dit, quand Gabin a tiré sur lui, « Tu es bien avancé maintenant ? » C'est ça la phrase clé. Mais peu de gens l'ont compris comme ça. Q Mais pourquoi voulait-il se tuer ? M.C Mais pourquoi quelqu'un veut-il se suicider ? Parce qu'il savait que c'était trop tard, qu'il n'aura jamais la petite, il n'avait même plus Clara. Un homme aussi habile que lui, aussi diabolique, ne jetterait pas son revolver à un mètre de Gabin voyons ! Mais ce que j'aurais dû faire, c'est faire un plan de lui quand il a jeté le revolver, pour qu'on comprenne qu'il le faisait sciemment... Q Le film étant comme il est, si on cherchait une motivation, ce serait qu'il vient de dire qu'il aimait les jeunes filles, etc... M.C Oui mais pourquoi il lui dit tout ça ? Sinon pour le provoquer. Jusqu'à ce qu'il tire sur lui. Quelle autre raison a-t-il de venir ? Parce que venir le provoquer sans rien, s'il n'a pas d'armes sur lui... Gabin est un homme plus fort que lui, il sait que s'il le provoque, Gabin peut l'étrangler, peut le flanquer par la fenêtre. Seulement, je vous le dis, il y a quelque chose qui manque dans la mise en scène que j'ai pas suffisamment soulignée. C'est ça qui est bien plus fort. Et Gabin, lui, n'a pas compris puisqu'il lui répond « Et toi ? » quand l'autre lui dit « T'es bien avancé maintenant ? »
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©-DR- JULIETTE OU LA CLEF DES SONGES de Marcel Carné (1951) p13
09/02/2017 07:02
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©-DR- JULIETTE OU LA CLEF DES SONGES de Marcel Carné (1951) p14
09/02/2017 07:18
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