|
|
|
|
|
|
©-DR-UN REVENANT de Christian Jaque (1946) p10
08/05/2014 06:31
Aucun critique de 1946 n'a soulevé cette référence gênante, alors que dans les mêmes journaux on lisait les détails des procès des journalistes de "Je suis partout", ou de participants à Radio-Paris tels que Robert LeVigan. Ce qui pose problème, ce n'est pas l'inspirateur du scénario, c'est le fond du film lui-même.
*
Le cinéma d'exclusivité qui présente Un Revenant, Le Royal, place Bellecour (aujourd'hui transformé en hôtel), est à une cinquantaine de mètres du quartier d'Ainay, où se situe l'action !Le film,apprécié après coup comme«l'un des rares films français mieux que valables de la décennie qui suivit la fin de la guerre»,grâce à son aspect «noir,méchant, désespéré», fit-il scandale lors de sa sortie lyonnaise ?
Un scandale de gala ?
Les cinéphiles glissent, à propos de ce film, qu'on essaya de le censurer. Il est difficile de trouver une trace écrite de cette idée. Une note dans le catalogue des Restaurations de la Cinémathèque française nous dit : «Le sujet est inspiré d'un fait divers réel de la chronique lyonnaise. On a prétendu que le succès du film fut limité par l'intervention discrète des grands bourgeois concernés». La source de cette supposition peut provenir du seul ouvrage consacré à Christian-Jaque jusqu'au présent recueil, celui de Raymond Chirat : «L'aventure lyonnaise eut sa conclusion lors de la première du film.
Une association de bienfaisance voulut patronner la sortie de Un Revenant. A la veille de la représentation de gala, le président de l'association eut la curiosité de voir le spectacle. En excellent lyonnais, il demeura impassible, voire de glace, mais le déroulement de l'histoire lui avait rappelé certain fait-divers plus ancien et tellement plus horrible. Il reconnut aimablement avoir pris grand plaisir à ce qu'on ressuscitait, mais opposa son veto le plus formel ; la soirée mondaine n'eut jamais lieu».
| |
|
|
|
|
|
|
|
©-DR-UN REVENANT de Christian Jaque (1946) p11
08/05/2014 12:03
Nous avons retrouvé la trace de ce mystérieux gala. Dès le 13 septembre 1946, soit14 jours avant sa présentation à Cannes, on peut lire dans un des grands quotidiens lyonnais,L'Écho du soir, «Le Ier octobre au cinéma Royal, Première mondiale du Revenant au profitdes Plus Grands Invalides de Guerre». Sur trois colonnes, et avec deux grandes photos du film, on rappelle le tournage de février 1946 : «Nous avions vu François Périer et Ludmilla Tcherina remonter le chemin du Rosaire dans une scène pleine de poésie réalisée sur le coteau de Fourvière (...)». Suivent quelques notations sur le pittoresque et la classe du film...par le même «critique» anonyme qui n'en a pas vu une seule image!.
Un encadré précise :«La location est ouverte dès aujourd'hui à la Fédération Nationale des Plus Grands Invalidesde Guerre, 7 place Antonin-Poncet. Elle se fera ensuite au cinéma Royal».La publicité est ici énorme, vu le peu de place dont disposaient les journaux de 1946 : les quotidiens ne comportaient que quatre pages. Placé en deuxième page, sur près de la moitié de cette page et avec deux grandes photos l'article attire les regards.L'enthousiasme se sentait dès le 19 février 1946, quand, dans le même journal, un article expliquait heure par heure les étapes du tournage et interrogeait Christian-Jaque. Ce dernier semblait alors totalement séduit par la ville.
Réciproquement,le bon souvenir du tournage prédisposait les journalistes locaux à soutenir ce gala...avant d'avoir vu le film. L'hebdomadaire Le Tout-Lyon, avait précisé le parcours de l'équipe technique.«Lorsque Christian-Jaque était venu à Lyon tourner les extérieurs du film Un Revenant, il me disait son désir de réaliser, pour une fois, autre chose qu'une histoire vaguement située à Paris ou sur la Côte d'Azur, mais au contraire de peindre dans sa vie réelle une ville de France précise».Presque tous les journaux avaient évoqué le tournage et se devaient de parler du gala... qui eut bien lieu !
Il faut ajouter une nuance à ce que dit Raymond Chirat car l'association initialement prévue refusa de patronner la soirée,mais fut remplacée par une autre. Le 20 septembre 1946, L'Écho du soir , rappelle, en toutpetit à la fin d'un article sur Cannes, que Un Revenant «sera présenté à Lyon, au Royal, le Ier octobre, en première vision publique mondiale». On ne parle plus de gala, et surtout, le nom de l'oeuvre bienfaitrice est totalement occulté.
| |
|
|
|
|
|
|
|
©-DR-UN REVENANT de Christian Jaque (1946) p12
08/05/2014 12:08
Cherché partout...pas trouvé une seule photo de ballet,
de danseuses,ni même de la scène avec le décor...
| |
|
|
|
|
|
|
|
©-DR-UN REVENANT de Christian Jaque (1946) p13
08/05/2014 12:40
Dans le même quotidien, le 1er octobre
1946, une notule précise sous le titre «Le Revenant [sic] sera là ce soir...» : «On nous informe que le gala du film Un Revenant au cinéma Royal aura bien lieu ce soir, mardi 1er octobre à 20h30, sous le patronage et au bénéfice de l'Association des Anciens Grands Malades. Les places louées précédemment ne sont pas valables et sont remboursables au guichet où elles ont été délivrées. La nouvelle location se fera directement aux guichets du cinéma Royal, au prix unique de 100 F, à partir de mardi, 10 heures». On remarque beaucoup de discrétion par rapport à la première annonce du gala, et surtout le changement de nom de l'association. Il s'est très probablement passé ce que Raymond Chirat suggérait, mais pour ne pas perdre sa clientèle et son avant-première, l'exploitant a trouvé une association caritative de remplacement en dernière minute, avec un nom proche de la précédente. On explique que les places achetées sont «remboursables au guichet où elles ont été délivrées», sans préciser le nom du «guichet» Dans les articles parus le lendemain, il n'est jamais fait allusion à des éclats dans la salle, ni même au changement d'association, mais on sent la gêne des journalistes.
Le plus beau «retournement de veste» se lit dans Le Tout Lyon. L'hebdomadaire du 13 octobre, dans sa chronique cinéma signée par «le strapontin du 37 bis», marche sur des oeufs : «Peut être n'eussions-nous pas éprouvé une légère déception si l'on nous avait moins emphatiquement annoncé un chef d'oeuvre.(...) La réalisation est honnête, encore que l'on n'ait pas su utiliser toute la photogénie du paysage lyonnais.(...) Il est délicat, étant à Lyon, de juger avec toute l'objectivité désirable, la critique des milieux touchant à la bourgeoisie et au monde des "soyeux". Je pense pouvoir en dire que cette satire eut gagnée à être moins appuyée».
| |
|
|
|
|
|
|
|
©-DR-UN REVENANT de Christian Jaque (1946) p14
08/05/2014 15:53
Marguerite Moreno : la tante Jeanne
*
*
Pourquoi toutes ces périphrases ? Pour ne blesser ni les lecteurs du journal (la bourgeoisie locale), ni la production du film qui a payé pour faire imprimer une fausse «une» du Tout Lyon, qu'on peut voir dans le film avec trois autres, présentant le suicide manqué d'un des protagonistes. La page est d'ailleurs reproduite en tout petit à côté de l'article. Autant de circonvolutions n'enchantèrent guère ceux qui se sentaient visées, et qui protestèrent (par lettre ? de vive voix ?) auprès du journal qui rectifia de la façon suivante :
«En renvoyant nos lecteurs à notre numéro du 13 octobre nous n'ajouterons qu'une seule remarque:ce film est une satire injustifiée de Lyon. Il froisse profondément tous les Lyonnais qui ont à coeur l'amour de leur cité et nous avons reçu à ce sujet des protestations justifiées auxquelles nous nous associons». Ce tout petit rectificatif permet de prendre parti... longtemps après le gala, et d'éviter de faire une vraie critique du film, visible par le public lyonnais depuis le 27 novembre.
| |
|
|
|
|