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13/11/2012 15:06
Une telle tension nerveuse épuise lentement Morrison : il cherche à la dissiper dans l'alcool. À cette époque, il ne dessaoûle presque jamais. Il écrit de manière lapidaire : « I drink so that I can talk to assholes./This includes me. » (« Je bois pour pouvoir parler aux cons./Moi compris. ») Mmmm... vu le style du bonhomme valait mieux pas le traiter de trou du cul n'importe quand... (con se dit "Prick")À cette même époque Pamela Courson conseille à Jim d'aller consulter un psychiatre. Il ne se rendra qu'à une seule séance. Selon plusieurs proches du chanteur il présentait tous les symptômes d'une personnalité dite borderline tels que le sentiment d'être abandonné, l'abus de substances (alcool, stupéfiants), des relations interpersonnelles instables, des comportements à risques ou encore une tendance certaine à l'auto-destruction.
Le début de l'année 1970 semble pourtant favoriser Morrison. Une série de concerts réussis à New York, l'enregistrement et la sortie du cinquième album de The Doors, Morrison Hotel (qui reçoit des critiques élogieuses), la signature de contrats pour l'adaptation cinématographique du roman de Michael McClure The Adept, redonnent un élan à Morrison. Ces succès se complètent, en avril, par la publication, à compte d'éditeur, du double recueil The Lords and The New Creatures (chez Simon & Schuster).Même si le volume avait été publié, contre ses indications, sous le nom de « Jim Morrison » (Morrison avait expressément demandé « James Douglas »), il télégraphia le jour même à ses éditeurs : « Merci à vous [...]. Le livre dépasse toutes mes espérances »
Le poète Michael McClure, ami de Morrison qui l'avait encouragé à publier ses poèmes, le vit ce jour-là. Il raconte : « Je trouvai Jim dans sa chambre. Il pleurait. Il était assis là, le livre à la main, en larmes, et il me dit « C'est la première fois qu'on ne m'a pas baisé ». Il le répéta deux fois ». Patricia Kennealy écrit, dans le numéro de mai de Jazz&Pop, une critique favorable au recueil.En parallèle, l'œuvre proprement poétique de Morrison commence, à son tour, à être reconnue. À la fin des années 1970, les membres restants de The Doors se reforment brièvement pour composer des mélodies destinées à servir de fond musical aux poèmes enregistrés par Morrison le 8 décembre 1970.
Il en résulta un album, An American Prayer, sorti en 1978, mais il fallut attendre 1988 pour que le premier volume des poèmes inédits de Morrison soit publié sous le titre Wilderness, suivi, en 1990, d'un second volume intitulé The American Night.Il est entré dans le Club des 27(?) regroupant les figures de la musique rock'n'roll décédées à vingt-sept ans, comme Janis Joplin, Robert Johnson, Brian Jones, Jimi Hendrix, Alan Wilson, Pete Ham (Badfinger), Kurt Cobain et Amy Winehouse(Putain! kesse que cé kces tcheuneries!!!)
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© DR -Jim Morrison &THE DOORS
13/11/2012 17:34
© DR - Poster par Bonnie Mc Lean ©
Family Dog © Chet Helms © Classic Posters © Bill Graham
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La poésie de James Douglas Morrison
Tous les articles, biographies, notices et sites internet consacrés à Morrison insistent sur sa carrure de « poète ». Son usage de substances hallucinogènes (LSD surtout), son alcoolisme maladif, ses multiples provocations contre l'ordre puritain américain, son image dionysiaque minutieusement entretenue, ses textes à la limite de l'inintelligible, son décès prématuré enfin (il avait vingt-sept ans) dans le pays qui avait vu naître Baudelaire, Verlaine et Rimbaud ont largement contribué à forger un personnage de légende et à l'assimiler aux«poètes maudits» adeptes des «paradis artificiels», dans la lignée d'auteurs anglo-saxons comme Thomas de Quincey, William Blake ou encore Aldous Huxley.
Au-delà de cette image, cependant, il paraît significatif que, à notre connaissance, aucun de ces textes consacrés à Morrison ne propose d'interprétation poétique de ses textes, ni même ne cite son œuvre en dehors des chansons qu'il écrivit pour The Doors et du long poème lyrique An American Prayer ultérieurement mis en musique par The Doors, alors pourtant que ces écrits destinés au groupe ne représentent qu'un sixième, environ, de l'œuvre complète de Morrison.
L'essentiel de son travail est systématiquement occulté. Pourtant, Morrison lui-même a souvent insisté, dans plusieurs interviews, sur la priorité qu'il accordait à la poésie sur toutes ses autres activités (le rock mais aussi la production cinématographique), minimisant du même coup l'importance et le sérieux de son travail au sein de The Doors.
Ainsi, interrogé sur la notion de « littérature rock » dont les chansons de The Doors seraient le modèle, il déclara ; « It's all done tongue-in-cheek [...]. I don't think people realize that. It's not to be taken seriously. » (« Tout cela est à prendre au second degré [...]. Je ne pense pas que les gens s'en rendent compte. Il ne faut pas nous prendre au sérieux. »).
Mise en parallèle avec la minutie qu'il accordait à ses recueils de poèmes et l'extrême émotion qu'il ressentit lorsque The Lords and The New Creatures parut chez Simon & Schuster, cette déclaration pousse à relativiser l'importance de The Doors dans la vie de Morrison et à mettre l'accent sur son œuvre de poète. Celle-ci, cependant, complexe, dense et d'un abord obscur, mérite quelques clarifications préalables.
Une œuvre difficile à aborder (carrément illisible tu veux dire)
À l'exception des textes de chanson écrits pour The Doors et quelques poèmes épars très exceptionnels, la seule œuvre publiée du vivant de Morrison sous forme d'un livre proprement dit est un double recueil intitulé The Lords and The New Creatures. La première partie (The Lords. Notes On The Vision) se compose de notes et d'aphorismes couchés sur le papier alors que Morrison étudiait le cinéma à UCLA. Il se présente sous une forme dispersée de remarques historiques, techniques et philosophiques sur le cinéma et son rôle dans la société américaine des années 1960. La seconde partie (The New Creatures) constitue un long poème en vers libres, d'apparence disparate (phrases mutilées, ponctuation qui semble hasardeuse, thématiques récurrentes sans ordre apparent, plan insaisissable à la première lecture).
De là la critique en demi-teinte qu'écrit Patricia Kennealy dans le numéro de mai 1970 de Jazz&Pop : « Le recueil (The Lords and The New Creatures) est truffé d'allusions personnelles que seuls Morrison, son agent ou son épouse pourraient prétendre comprendre ». (Voilà pourquoi je ne l'ai JAMAIS entièrement lu!)Le lecteur non prévenu pourrait en effet croire, en ouvrant un recueil de Morrison, qu'il s'agit d'alignements de mots gratuits * . Une explication consisterait alors à estimer qu'il s'agit là de productions rédigées sous l'influence de l'alcool, des hallucinogènes, parfois des deux, et qu'il n'y a rien à y comprendre.(merci pour le temps perdu...Djiim !)
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* et quoi d'autre ?
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© DR -Jim Morrison -&THE DOORS p2
13/11/2012 17:57
On ne rigole pas tous les jours vous savez...Dur..dur
Une conception moderne du travail poétique
La première difficulté tient à l'idée que l'on se fait du « poète », personnage supérieurement « sensible » qui chercherait à retranscrire ses émotions sur le papier pour les transmettre à un lecteur. Morrison, lui, concourt à une explosion du langage « normal », en particulier du langage « communicationnel », considéré comme incapable de véhiculer la violence sensible des émotions les plus profondes (ce constat amer relie les recherches françaises menées par Rimbaud et Mallarmé, et les innovations anglo-saxonnes proposées par T. S. Eliot et Virginia Woolf).
Héritiers de cette situation qui pourrait marquer l'échec définitif de la poésie, les poètes de la beat generation cherchèrent à retrouver la sémantique profonde des sonorités dans les propriétés phoniques et rythmiques de la langue articulée en tant que matière sonore : dans les cas extrêmes, des syllabes brutes peuvent aussi « parler ». L'admiration ressentie par Morrison, dès le lycée, pour les « beat poets » tels Lawrence Ferlinghetti ou Michael McClure, ne se démentira jamais, et ses propres œuvres dérivent de ces recherches fondamentales.
En cela, chercher à lire la poésie contemporaine, surtout celle de Morrison, en se demandant ce que le texte « veut dire » conduit souvent à des impasses. On gagne à examiner en priorité des structures formelles, sonores et visuelles, de la langue parlée et imprimée - ce qui rend la poétique de Morrison quasi intraduisible.
Ainsi le poème Dry Water (dans le recueil Far Arden) présente ces vers dont les assonances et les allitérations (et plus encore la disposition de ces assonances et de ces allitérations les unes par rapport aux autres) portent des sonorités plus expressives que les mots qui les composent ; « the graveyard, the tombstone/the gloomstone & runestone » (littéralement ; « le cimetière, la pierre tombale/la pierre maussade & la pierre runique » - le mot « gloomstone » est un néologisme).
Morrison se livre aussi à des espiègleries littéraires, parfois de véritables acrobaties poétiques destinées à « tester » les particularités de la langue anglaise. Il joue par exemple sur la nature des mots, en coupant le vers à un endroit inattendu qui semble donner à un nom commun valeur de verbe, ou sur le fait qu'au « simple present », le verbe à la troisième personne du singulier porte un « s » qui permet de faire passer un verbe pour un substantif au pluriel ou inversement. Ainsi, dans le recueil Wilderness, ce premier vers d'un poème sans titre ; « A man rakes leaves into ».
Le mot « leaves » exprime soit le pluriel de leaf (feuilles), soit le verbe « to leave » conjugué avec le sujet « A man » au « simple present ». On peut donc traduire le vers soit par « Un homme ratisse des feuilles en », soit par « Un homme ratisse part vers ». A priori, le traducteur n'a pas de raison de préférer l'une ou l'autre traduction. Seul le vers suivant donne l'interprétation correcte ; « a heap in his yard [...] » (« un tas dans son jardin »). Fffff quell ennui ! mon dieu quel ennui !
Tant que le vers suivant n'est pas lu, le lecteur reste dans l'ambiguité : le voilà contraint, par les propriétés de la langue, de relire la page pour saisir le sens.
Cette tentative d'éclatement du langage ordinaire se légitime d'une manière similaire à celle dont le peintre Jackson Pollock justifiait l'art abstrait : le recours à des figures, à des natures mortes, à des portraits, ne permet pas d'exprimer certains phénomènes fondamentaux de notre époque. Il n'est pas certain que l'atmosphère dégagée par notre monde urbain et technologique contemporain puisse être rendue dans un langage grammaticalement structuré.
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© DR -Jim Morrison &THE DOORS p3
13/11/2012 18:08
Dans la conception classique de la poésie, illustrée en langue anglaise par des auteurs comme Samuel Taylor Coleridge ou Edgar Allan Poe, le lecteur est conçu comme le spectateur d'un poème que le poète lui donne à lire, entendu comme narration d'une histoire ou comme description d'un objet. Au début des années 1960, pourtant, le philosophe John Langshaw Austin publie un essai, How To Do Things With Words, qui insiste sur la fonction performative du langage.
La phrase en général posséderait un effet concret sur son récepteur. Morrison use en virtuose de ces ressources du langage, en particulier pour instaurer une relation directe et personnelle avec le lecteur, lequel ne peut jamais se comporter en simple « spectateur » du poème. Dans un texte du recueil Wilderness, dont le premier vers est « What are you doing here ? » (« Qu'est-ce que tu fais là ? »), le lecteur est immédiatement invectivé. Un peu plus loin, Morrison écrit ces phrases ; « I know what you want./You want ecstasy/Desire & dreams./Things not exactly what they seem. » (« Je sais ce que tu veux./Tu veux de l'extase/Du désir & des rêves./Des apparences trompeuses »).
En dénonçant ces aspirations (dans lesquelles effectivement chaque lecteur peut se reconnaître), Morrison les désamorce et en même temps élabore une atmosphère assez inquiétante, où le lecteur se trouve confronté à un texte qui semble le connaître intimement, et même qui le révèle à ses propres yeux.
Dans d'autres cas, l'implication du lecteur s'effectue de manière indirecte. Ainsi, toujours dans Wilderness, Morrison écrit ; « No one thought up being;/he who thinks he has/Step forward » (« Nul n'a pensé l'être;/que celui qui le croit/S'avance »). Le lecteur n'est pas directement pris à partie, mais c'est son immobilité même qui l'implique dans le texte et en fait, en quelque sorte, la victime.
Dans des cas plus rares et plus raffinés, l'implication du lecteur est assurée par le seul recours à l'article démonstratif. Ainsi, dans le poème sans titre dont le premier vers est Favorite corners (dans le recueil Wilderness), on trouve le vers suivant ; « Those lean sweet desperate hours » (« Ces heures maigres douces désespérées » - sous-entendu : « tu vois de quoi je parle, n'est-ce pas ? »).
Morrison ne permet pas à son lecteur une simple adhésion superficielle. Qui chercherait une bonne histoire ou une versification élégante ne peut comprendre la poésie de Morrison. Plus précisément, Morrison tente beaucoup moins de narrer une série d'événements que de rendre une atmosphère, une ambiance, et d'y plonger le lecteur pour agir sur lui. Il s'agit en particulier de lui transmettre l'impression d'étrangeté et de malaise que lui inspire le monde contemporain.
Dans une interview, il explique : « J'ai toujours eu cette sensation de quelqu'un… qui ne serait pas exactement chez lui… qui serait conscient de beaucoup de choses mais qui ne serait vraiment sûr de rien. »
Pour rendre ce sentiment d'instabilité, Morrison emploie souvent une structure poétique qui consiste à jouer sur l'ambiguïté d'un mot et à ne fixer clairement son sens que dans un vers ultérieur du poème.
Au fil du texte, le lecteur est amenée à réinterpréter le début du poème en fonction de la fin, comme s'il lui fallait remonter le temps pour saisir le sens de la durée écoulée.
Une première traduction donnerait ainsi ; « Le poivrot s'éloigna un peu dans/le vieux désert bleu/bouteille » ; mais le dernier vers, réduit à un seul mot, « bottle », invite à donner un tout autre sens à « left » et à prendre « desert » comme adjectif, d'où une autre traduction:« Le poivrot laissa un fond dans/la vieille bleue désertique/bouteille ».
Le verbe « to leave » (qui signifie à la fois « partir » et « laisser ») permet par exemple, dans un poème de Wilderness (premier vers ; In the gloom), de jouer de la sorte ; « The wino left a little in/the old blue desert/bottle ». La lecture des deux premiers vers donnerait l'impression que « left » signifie « partir » (agrémenté de l'adverbe « a little », il signifierait plus précisément « s'éloigner ») et « desert » paraît employé comme nom commun.
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© DR -Jim Morrison &THE DOORS p4
14/11/2012 04:20
Une intertextualité d'une grande densité
Le nombre et la subtilité des allusions à d'autres auteurs complique considérablement la lecture de l'œuvre de Morrison. Il est très difficile de débusquer et de décrypter tous les sous-entendus, alimentés par la mémoire presque infaillible de Morrison20. Sa vaste culture générale densifie les poèmes parce qu'elle touche à tous les domaines du savoir, notamment la littérature mais aussi l'histoire ou l'ethnologie.
Ainsi les deux premiers vers de la chanson Not To Touch The Earth ; « Not to touch the earth/Not to see the sun » (« Pour ne pas toucher la terre/Pour ne pas voir le soleil ») proviennent de la table des matières du Golden Bough (Le Rameau d'or) de James George Frazer. Morrison s'intéresse aussi beaucoup aux arts et traditions populaires comme les arts divinatoires, les jeux de cartes, les contes et légendes, ou encore aux traditions ésotériques comme la sorcellerie ou l'alchimie.
À plusieurs égards (en particulier par les thèmes de l'avortement et de la stérilité, du roi lié à une terre gaste, mais aussi par le plan éclaté(?? mé kezaco) le long poème The New Creatures pourrait se lire comme une réécriture du célèbre Wasteland de T. S. Eliot. Les principales réflexions philosophiques que le cinéma inspire à Morrison dans le recueil The Lords l'amènent à reconsidérer la fameuse Allégorie de la Caverne (au début du livre VII de la République de Platon), pour en renverser le propos : le cinéma serait une « caverne » moderne où les contemporains de Morrison voudraient s'enfermer, s'enchainer, dans une tentative éperdue de fuir un réel trop douloureux.
Aborder Morrison dans un esprit «baba cool»selon lequel la beauté d'un poème viendrait de sa "spontanéité" ou de sa "sincérité" mène à l'incompréhension. Morrison n'écrit qu'exceptionnellement sous le coup de l'« inspiration », et il traite ces textes « spontanés » comme une première ébauche destinée à évaluation critique, modification, amélioration, mise en perspective.
Tous les poèmes de Morrison relèvent d'un dispositif minutieux : chaque mot, et probablement même chaque caractère imprimé, trouve une place soigneusement calculée par rapport à tous les autres. Cette place n'est d'ailleurs retenue que « en attente de mieux » (ainsi Celebration Of The Lizard connut-il une genèse d'au moins trois ans, les premières esquisses datant de 1965 et le texte définitif n'étant publié qu'en 1968 à l'intérieur de la pochette de l'album Waiting For The Sun- d'où le très faible nombre de textes publiés du vivant de l'auteur.
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