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© DR - Jim Morrison -1943/1971 (p3)
12/11/2012 05:15
Sitôt sorti de l'école secondaire, Morrison s'installe chez ses grands-parents à Clearwater pour suivre des cours au Saint Petersburg Junior College. En particulier, il s'inscrit dans deux cursus qui le marqueront profondément : d'une part, un cours sur la « philosophie de la contestation », qui lui permet d'étudier Montaigne, Jean-Jacques Rousseau, David Hume, Jean-Paul Sartre, Alexandre Jeannin et Friedrich Nietzsche ; d'autre part, un cours sur la « psychologie des foules » inspiré de l'ouvrage de Gustave Le Bon: "La Psychologie des foules".
Morrison se montre, dans ce cours, très brillant. Le Professeur James Geschwender reste stupéfait devant ses connaissances. Il maitrise parfaitement non seulement l'ouvrage de Gustave Le Bon, mais aussi Sigmund Freud et Carl Gustav Jung. Les autres étudiants, complètement dépassés, assistent, stupéfaits, à des dialogues entre le professeur et Morrison, lesquels tentent d'incorporer l'apport de la psychanalyse à la réflexion de Le Bon.
Dans son mémoire final, Morrison, s'appuyant sur l'idée jungienne d'un inconscient collectif, évoque l'idée de névroses touchant de nombreuses personnes dans un groupe (des « névroses sociales », si l'on ose dire) et il spécule sur la possibilité de traiter ces névroses par des thérapies de groupe. James Geschwender déclarera plus tard que ce mémoire « aurait pu devenir une thèse solide ».
Pendant l'été 1963, Jim s'inscrit à un cours sur l'histoire médiévale européenne. Il écrit un mémoire s'efforçant de montrer que le peintre Jérôme Bosch avait fait partie des adamites. Les preuves présentées par Morrison ne paraissent pas suffisamment convaincantes au professeur, mais celui-ci n'en reste pas moins éberlué par la culture générale de son élève. Il est une première fois arrêté à Tallahassee le 28 septembre 1963 pour avoir fait une farce douteuse alors qu'il assiste, ivre, à un match de football américain.
À ce moment pourtant, Morrison désire depuis plusieurs mois changer d'université pour s'inscrire à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), à la toute nouvelle faculté de cinéma. La famille Morrison rejette cette nouvelle orientation mais, malgré l'opposition de ses parents, Jim maintient sa décision.
En janvier 1964, alors que son père est promu capitaine de vaisseau, Jim entre à l'UCLA. Dès le début de l'année, tout en continuant à « tester » les gens (en particulier ses colocataires auprès de qui il se rend rapidement insupportable), il s'encanaille, s'enivre de manière de plus en plus régulière, fréquente les quartiers « chauds » et les bas-fonds de Los Angeles, et touche sans doute dès cette époque aux drogues hallucinogènes, en particulier le LSD.
Il faut préciser qu'en 1964, et en particulier à UCLA, il est extrêmement facile de se procurer du LSD. D'une part, cette drogue n'est réglementée que depuis 1962 aux États-Unis, et d'autre part, de nombreux programmes de recherche universitaires portent sur les propriétés du LSD ou d'autres substances psychoactives : il suffit donc aux étudiants aventureux de s'inscrire comme « volontaires » et ils peuvent obtenir des doses non seulement quotidiennes, mais gratuites. De plus, Morrison se trouvait doublement incité à « expérimenter » les drogues.
Du point de vue poétique, cela le rattachait à des poètes comme Henri Michaux, Edgar Poe, Aldous Huxley, Thomas de Quincey ainsi que par les poètes de la beat generation, très admirés de Morrison. Du point de vue mystique, la consommation de psychotropes le rapprochait du chamanisme, lequel pratique la transe souvent provoquée par des hallucinogènes naturels comme la mescaline ou encore l'ayahuasca.
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© DR - Jim Morrison -1943/1971 (p4)
12/11/2012 17:37
À l'été 1964, Jim Morrison emmène son frère Andy - qui a 16 ans - pour un bref voyage jusqu'à la ville d'Ensenada, au Mexique. Andy est sidéré par l'assurance de Jim, qui roule à toute vitesse dans les rues de la ville, connaît bien les bars et discute en espagnol argotique avec les tenanciers et les prostituées.
Pendant l'automne 1964, poursuivant son cursus de cinéma, il prend des notes sur les techniques cinématographiques, sur l'histoire du cinéma et sur les réflexions philosophiques que ce média lui inspire. Ces notes, remaniées, ordonnées et compilées sous forme de brefs aphorismes, deviendront le premier « recueil » publié par Morrison (The Lords. Notes On The Vision, publié à compte d'auteur en 1969).
Morrison consacre le premier semestre 1965 à tourner et à monter le film qu'il lui faut réaliser pour obtenir son diplôme. Son travail se solde malheureusement par une déception : il n'obtient son diplôme, en juin, qu'avec un médiocre « D ». Pourtant, ce résultat ne l'affecte guère : depuis le printemps, Morrison évalue les divers moyens dont il pourrait user pour toucher le public.
Peut-être poursuit-il sa réflexion sur la psychologie des foules et sur la possibilité d'organiser de gigantesques séances de thérapie collective. Le cinéma lui apparaissait sans doute comme le moyen idéal mais au début de l'été 1965, une autre idée se fait jour dans son esprit : la fondation d'un groupe de rock.
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© DR - Jim Morrison -1943/1971 (p5)
12/11/2012 17:42
Un « frontman » charismatique et imprévisible (1965-1968)
Au cours du mois de juillet 1965, Jim, alors sans emploi, vit sur le toit d'un entrepôt, non loin de Venice Beach, à Los Angeles. Il raconte, dans un des poèmes du recueil Far Arden : « I left school & went down/to the beach to live./I slept on a roof./At night the moon became/a woman's face./I met the Spirit of Music. » (« Je quittai l'école et descendis/à la plage pour vivre./Je dormis sur un toit./La nuit la lune devint/un visage de femme./Je rencontrai l'Esprit de la Musique. ») L'allusion explicite au titre de Friedrich Nietzsche, The Birth Of Tragedy from the Spirit of Music (en français : La Naissance de la tragédie - Hellénisme et pessimisme) vaut presque programme : dans le cadre de la théorie esthétique nietzschéenne, la tragédie grecque provient des célébrations en l'honneur du dieu grec Dionysos.
La fondation du groupe The Doors
Morrison commence à écrire des chansons, dont plusieurs figureront sur les trois premiers albums de The Doors. Un jour qu'il se promène sur la plage de Venice Beach, il croise Ray Manzarek, lui aussi fraîchement diplômé en cinéma. Les deux anciens élèves de l'UCLA discutent, en viennent à parler musique. Ray Manzarek joue de l'orgue dans un groupe de rock. Curieux, il demande à Morrison de lui chanter une de ses compositions. Morrison aurait alors chanté Moonlight Drive, un titre qui figurera sur Strange Days, le deuxième disque de The Doors. Immédiatement séduit par l'intensité lyrique des paroles de Jim, Ray Manzarek se serait exclamé : "Hey, man, let's form a rock band and make a million dollars ! »
Jim propose alors immédiatement le nom de « The Doors », en le justifiant de cette façon : « Il y a le connu. Il y a l'inconnu. Et entre les deux, il y a la porte, et c'est ça que je veux être ». Il fait ainsi référence au livre de Aldous Huxley, Les Portes de la perception, titre lui-même tiré d'une citation de William Blake : « If the doors of perception were cleansed everything/would appear to man as it is - infinite. » (« Si les portes de la perception étaient nettoyées toute chose/apparaîtrait à l'homme telle qu'elle est - infinie. », tiré de The Marriage Of Heaven And Hell).Manzarek fréquente le groupe de méditation transcendantale animé par le gourou Maharishi. Il y rencontre le batteur John Densmore qui quitte le groupe des Psychedelic Rangers pour rejoindre The Doors. Densmore est bientôt imité par le guitariste des Rangers, Robbie Krieger. The Doors désormais au complet enregistrent une première démo.
À la fin de l'été, Jim Morrison rencontre Pamela Courson (1946–1974), étudiante en art et fille de militaire comme lui. Ils s'installent ensemble en novembre 1966 à Rothdell Trail dans le quartier de Laurel Canyon. Elle restera sa compagne et l'inspiratrice de certains de ses textes jusqu'à la fin de sa vie, malgré une relation tumultueuse alternant querelles violentes et retrouvailles passionnées. Ensemble, ils expérimentent le LSD, les amphétamines et la mescaline, elle se shoote à l'héroïne (Jim Morrisson qui déteste les piqûres y est plus réticent) et prend pour amant son dealer Jean de Breteuil. En septembre, après une réunion de famille particulièrement ratée, Jim Morrison rompt toute relation avec ses parents. Il ne les reverra jamais.
Au début de l'année 1966, The Doors gagnent un maigre salaire en animant un bar de Los Angeles, The London Fog, mais ils y acquièrent un grand professionnalisme qui jouera ensuite un rôle déterminant dans leur succès. Le groupe apprend en effet à se confronter à des publics parfois difficiles ou peu enthousiastes. Jim, d'abord très timide dans son rôle de chanteur, tourne le dos à la salle et chante à voix basse, presque inaudible,mais progressivement,il gagne en assurance,commence à se déhancher de manière suggestive, apprend à jouer avec le public, à obtenir des réponses, à plaisanter au bon moment, puis ose des cris, des sauts, des chutes, dans un style caractéristique rappelant les danses amérindiennes ou la transe chamanique.
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© DR - Jim Morrison -1943/1971 (p6)
12/11/2012 18:00
Les mélodies du groupe, d'apparence étrange parce qu'elles mêlent des influences très diverses (musique classique avec la formation de Ray Manzarek, jazz apporté par John Densmore, sans oublier le flamenco et la musique indienne qu'affectionne Robbie Krieger), servent beaucoup ces prestations scéniques exceptionnelles et l'atmosphère à la fois tribale et religieuse des concerts.
Célébrité
The Doors, remarqués par Jac Holtzmann de la maison de disques Elektra, signent en juin 1966 un accord de production pour six albums. Le mois suivant, Jim Morrison commet son premier incident sérieux : lors d'un concert donné au Whiskey A Go Go, pendant la partie mélodique centrale d'une longue et mélancolique composition, The End, le chanteur improvise l'histoire d'un assassin qui traverse une maison puis parvient à la porte d'une salle où se trouvent ses parents. S'inspirant alors probablement du complexe d'Œdipe cher à Freud, Morrison déclare : « Father, I want to kill you. Mother, I want to fuck you all night long » Le groupe ne pourra pas terminer la chanson : le patron du bar les jette dehors. Ils n'en ont pas moins créé l'événement : la chanson, qui paraîtra sur le premier disque (intitulé The Doors), conservera le texte audacieux et deviendra un morceau culte(cette expression m'exaspère au plus haut point!!!!) de l'histoire du rock.
The Doors enregistrent leur premier album au cours de l'automne 1966. Dans la notice biographique destinée à la presse, Morrison déclare que ses parents sont morts. En juin 1967, la sortie du single Light My Fire, qui devient rapidement un tube, apporte un succès presque immédiat et fait décoller les ventes de l'album. Un deuxième album est enregistré au cours de l'été. Tandis que le groupe multiplie les apparitions scéniques, Morrison pose pour plusieurs magazines. Son physique d'éphèbe, son sourire désarmant, sa coupe de cheveux rappelant celle d'Alexandre le Grand (Morrison s'est peut-être souvenu de Plutarque) le transforment en sex-symbol aussi adulé que James Dean ou Marilyn Monroe.
La musique psychédélique des Doors nous plonge dans un univers étrange, proche de celui du chamanisme, dans lequel on alterne entre une 'conscience endormie' et un 'rêve éveillé'. On a le sentiment que Morrison, la plupart du temps en état modifié de conscience (rendu possible par l'absorption quasi-quotidienne de psychotropes divers), n'était jamais réellement réveillé, jamais réellement endormi. Cet état se reflète pleinement dans la musique du groupe.L'année 1967 est également marquée par l'engagement progressif des États-Unis dans la guerre du Viêt Nam : 500 000 « boys » sont stationnés au Viêt Nam sur l'ordre du président Lyndon Johnson. Morrison écrit, à l'automne 1967, ses chansons les plus expressément engagées, en particulier Unknown Soldier qui figurera sur le troisième opus de The Doors, Waiting For The Sun.
Le succès fulgurant de The Doors, leur notoriété soudaine, et les avantages qui les suivent, déstabilisent pourtant rapidement Morrison, d'autant que les paroles de ses chansons, qui prônent l'amour libre, l'usage de la drogue, la consommation d'alcool, le rejet de la morale puritaine, la révolte contre l'autorité, le militantisme contre la guerre, en font un personnage remuant que les services de police décident de surveiller de près. Supportant très mal l'intrusion des agents en uniforme dans les concerts, Morrison profite souvent d'être sur la scène pour improviser quelques railleries, voire pour provoquer la foule à se rebeller. Un incident plus grave conduit, le 5 décembre 1967, à New Haven, à une interpellation en plein milieu d'un concert. Morrison est arrêté pour « comportement immoral », « trouble à l'ordre public » et « refus d'obtempérer ».
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© DR - Jim Morrison -1943/1971 (p7)
12/11/2012 18:11
-Un désintérêt grandissant pour le rock-
Le comportement de Morrison, qui devient antisocial et agressif au cours de l'hiver 1967-1968, laisse supposer que le concert de New Haven et l'interpellation qui s'ensuivit marquèrent le chanteur. D'une part, il commençait à percevoir que le star-system pouvait le piéger en l'entraînant dans une logique du « toujours plus » en matière de provocation. D'autre part, le public avait laissé Morrison se faire arrêter. Personne n'avait bougé.Si, comme son adolescence et ses années d'étudiant peuvent amener à le croire, Morrison avait pour ambition de remanier en profondeur les valeurs de la société américaine en s'appuyant sur les forces sociales actives du Flower Power et leur potentiel révolutionnaire, l'immobilisme du public, pourtant jeune et familiarisé avec l'idée de révolte, a dû surprendre et décevoir le chanteur.
Morrison, nerveux, maussade, se réfugie dans l'alcool et ses beuveries atteignent des proportions préoccupantes, au point que les autres membres du groupe décident d'engager Bobby Neuwirth pour surveiller Jim.Les relations avec le groupe se tendent lors de l'enregistrement du troisième album. Après réflexion, The Doors décident de couper la très longue composition, Celebration of The Lizard qui devait occuper une face entière du disque, pour n'en garder que le morceau central sous le titre Not To Touch The Earth. Morrison, qui travaillait le texte de Celebration depuis 1965, se démotive soudain. Il laisse à Robbie Krieger le soin de composer les chansons restantes de l'album, finalement achevé en mai 1968. Ce même mois, Jim Morrison rencontre Michael McClure, le poète de la beat generation dont il a lu et admiré l’œuvre depuis ses années de lycée.
Cette rencontre marque un tournant dans la vie de Morrison, qui va progressivement prendre ses distances avec le monde du rock.Sitôt Waiting For The Sun enregistré,Morrison exprime d'ailleurs aux autres membres du groupe son intention d'interrompre sa carrière. Alarmé à l'idée du départ de Jim, Ray Manzarek parvient néanmoins à le convaincre de continuer encore pendant six mois.Au cours de cette période de transition, les performances scéniques de Morrison gagnent encore en intensité.
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Le 10 mai 1968, lors d'une apparition à Chicago, il transforme, pour la première fois, un concert en émeute. Il recommence plusieurs fois au cours de cette année, d'autant que le dernier vers de la chanson Unknown Soldier, « the war is over », est bientôt repris en slogan politique des opposants à la guerre du Viêt Nam. La chanson a un effet d'autant plus violent sur le public que le groupe, dans une mise en scène élaborée, fait mine de fusiller Jim. Un jeu de lumière finement réglé rend l'effet frappant
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