François Périer -Heurtebise
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...[ *]Ainsi, le cinéma de Jean Cocteau s’est ouvert à un public plus large, est devenu plus conventionnel. Mais cela sans perdre de sa personnalité. Cette ouverture s’était déjà faite depuis La Belle et la Bête en 1946. Mais avec Orphée, Jean Cocteau sera au faîte de sa gloire. Ce film garde néanmoins en lui l’esprit de poète de Jean Cocteau tout en se rapprochant d’un plus grand public.
L’histoire reprend donc celle du célèbre mythe d’Orphée. Cependant, le réalisateur a pris de nombreuses libertés quant à son adaptation. De prime abord, on peut voir une recontextualisation du mythe dans la fin des années 40/début des années 50. Même si la voix de Jean Cocteau, au début du film, nous indique que « c’est le privilège des légendes d’être sans âge » et qu’ainsi il n’y a ni lieu ni époque précise pour cette histoire. Ainsi les bacchantes, les prêtresses au service de Bacchus qui tueront Orphée par jalousie, deviennent dans le film de Jean Cocteau un groupe féministe. De même, il reprend le thème des animaux parlants par le biais de la voiture de la princesse, qui « parle » grâce à l’auto-radio. De cette manière, l’irréel se retrouve au beau milieu d’un monde réaliste et contemporain, ce qui le renforce.
Un autre élément du récit que Jean Cocteau a modifié dans son œuvre est le rapport d’Orphée avec son épouse. Dans le mythe original, le poète, ne pouvant supporter la perte d’Eurydice, décide d’aller aux Enfers par amour et de la ramener parmi les vivants. Ici, si Orphée descend aux Enfers, ou plutôt passe à travers le miroir pour rejoindre « la zone », c’est autant pour revoir la princesse, symbole de la mort, dont il tombe amoureux que pour ramener sa femme.
D’ailleurs, cette « zone » n’est pas exactement les Enfers, et cette princesse n’est pas exactement la mort. La première n’est que la phase transitoire entre la vie et la mort, dont la définition d’Heurtebise est : « La vie est longue à être morte, c’est la zone ». Quant à la princesse, selon Jean Cocteau, elle n’est qu’un « des innombrables fonctionnaire d’État dont le mécanisme nous demeure aussi incompréhensible que celui des abeilles et des termites » (Du cinématographe, p. 211).
Il dira même que « prendre le personnage joué par Maria Casarès pour la mort, c’est confondre une hôtesse de l’air et un ange » (op. Cit.). Plus précisément, Jean Cocteau explique que le rôle de celle-ci est d’être seulement la mort d’Orphée, mais elle outrepasse cependant ses fonctions en étant aussi celle d’Eurydice, ce qui l’amène devant le tribunal. Le fait qu’elle tue aussi Cégeste est un geste purement pratique, permis par l’autorisation du tribunal, afin d’acquérir une aide pour son travail.
Ainsi, quand, après avoir tué, elle demande « Savez-vous qui je suis? », les deux personnages ne lui répondent pas « Vous êtes la mort », mais « Vous êtes ma mort ». La princesse n’est qu’une des figures de la mort parmi tant d’autres. Ainsi, Jean Cocteau reprend le célèbre mythe d’Orphée en l’adaptant à son univers particulier, l’univers de sa poésie, dans lequel on retrouve les différents effets utilisé dans Le Sang d’un poète tels que les décors renversés ou les inversions de pellicule. d’Orphée, devant le tribunal, cela renvoie à son livre de 1947. Le « Étonnez-nous » qu’un vieux poète dit à Orphée dans Orphée, au bar des poètes renvoie à la phrase de Serge de Diaghilev à Jean Cocteau. Enfin, ces trois films sont des films de poésie et traitant de la poésie, donc quoi de mieux pour parler des films d’un poète comme Jean Cocteau que ces trois films?
« Ici, le mythe d’Orphée devient en quelque sorte le mythe du poète dont j’avais donné l’ébauche il y a vingt ans avec Le Sang d’un poète » (Du cinématographe, p. 204). Ce film est certainement le plus abordable de la trilogie. En effet, à l’inverse du Sang d’un poète ou du Testament d’Orphée, il est constitué d’une intrigue précise. « Le film débute comme un film policier, et c’est ce style policier qu’il conserve d’un bout à l’autre afin de satisfaire à la fois les personnes qui ne veulent accepter que son style propre et le gros public qui veut se passionner à une intrigue » (Du cinématographe, p. 207).
Mais « le vrai drame d’Orphée se passe entre l’instant où le facteur glisse une lettre dans la boîte et celui où la lettre y tombe » (Du cinématographe, p. 210). .Ainsi, Jean Cocteau reprend le célèbre mythe d’Orphée en l’adaptant à son univers particulier, l’univers de sa poésie, dans lequel on retrouve les différents effets utilisé dans Le Sang d’un poète tels que les décors renversés ou les inversions de pellicule.