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GüneÅŸ Nezihe Åžensoy : Lale, la benjamine
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« Mustang » : cinq filles au galop La réalisatrice Deniz Gamze Ergüven filme la résistance de cinq sœurs
aux puissances du patriarcat en Turquie.
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LE MONDE | 20.05.2015 à 09h14 •
Mis à jour le 01.04.2016 à 00h00 |
Par Isabelle Regnier
Gangs de femmes, guerrières amazones, adolescentes en furie… De l’impératrice Furiosa de Mad Max au doux gynécée de Notre petite sœur, des lesbiennes magnifiques de Carol à la fille de Dieu du Tout Nouveau Testament, la sélection cannoise est peuplée de personnages féminins décidés à mettre à terre l’empire du patriarcat. Tigresses sauvages que leur famille décide d’enfermer dans une cage pour brider leur sexualité, les cinq sœurs de Mustang sont faites de ce même bois. *
Petite sensation de la Quinzaine des réalisateurs, ce premier film de la réalisatrice turque Deniz Gamze Ergüven se déroule dans un village du fond de la campagne turque, où les modes de vie sont encore régis par des traditions archaïques. Dans une image laiteuse, un beau préambule présente nos cinq grâces en uniformes de collégiennes, à la sortie de l’école, la veille des grandes vacances.
Filles éclairées et délurées Avec leurs longues crinières qui leur caressent le creux des reins, leur beauté arrogante, leur fière insolence, elles s’imposent comme un corps collectif radieux, conquérant et indestructible. Les sanglots de la plus jeune, qui s’accroche furieusement au professeur qu’elle s’apprête à quitter, font certes planer une ombre sur la photo, mais elle aura disparu dès la séquence suivante, qui les retrouve à la mer. Toujours habillées mais trempées, juchées sur les épaules de cinq garçons, elles se livrent à un joyeux combat aquatique, magnifié par les scintillements du soleil dans l’eau.
La fin de la récré va sonner, et cette parenthèse enchantée se trouvera reléguée au rang de lointain éden. A la maison, leur grand-mère, qui les élève depuis la mort de leurs parents, leur passe un savon d’une brutalité inouïe, révèle le gouffre qui sépare ces filles éclairées et délurées des villageois aux mœurs archaïques parmi lesquels elles grandissent. Une commère est venue rapporter qu’elles « se branlaient sur les cous des garçons ». Fin du monde, déshonneur, alerte rouge. Les sœurs ont beau hurler leur bonne foi, jurer qu’elles sont toutes encore vierges, elles déchaînent chez leur oncle une fureur plus débridée encore, qui les conduit fissa à l’hôpital se faire inspecter l’hymen. Fini les tenues sexy, on leur enfile ces robes « couleur de merde » que portent les femmes du village.
* Fable stylisée La maison devient une « usine à épouses », bunker fortifié dont elles n’ont plus le droit de sortir, où on leur enseigne l’art des beignets à la viande, de l’astiquage des vitres et du bourrage de couettes. Furibardes, elles subvertissent avec une vitalité hargneuse les instruments de leur oppression, tout en continuant de se balader à moitié nues et à se raconter des blagues salaces. Les choses changent quand on décide de briser cette hydre déchaînée en les mariant l’une après l’autre, selon le même rituel immuable. L’aînée arrache le droit de convoler avec le garçon qu’elle aime, mais les deux suivantes finissent en miettes, attisant chez la benjamine, adorable tête de bois, un sentiment de révolte.
* A mi-chemin entre Virgin Suicides et L’Evadé d’Alcatraz, ce film plein de colère, mais enrobé dans un emballage acidulé, balaie tout le spectre de la violence patriarcale, du symbolique au criminel. Jouant la drôlerie bravache, il dénote chez son auteur une intelligence aiguisée, doublée d’un grand pouvoir de séduction. Comme métaphore de la schizophrénie turque, écartelée entre patriarcat et modernité, cette fable stylisée, qui file comme un cheval au galop, séduira à n’en pas douter un public occidental. Mais son véritable sujet, c’est la puissance subversive de la libido féminine. Les gardiens de l’ordre ont beau ériger des prisons pour l’étouffer, leurs murs ne résistent pas à sa force tellurique.
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©-DR- MUSTANG de Deniz Gamze Ergüven (2015) p7
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©-DR- MUSTANG de Deniz Gamze Ergüven (2015) p8
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(sous réserve)
TuÄŸba SunguroÄŸlu : Selma, la deuxième
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Les Inrocks “Mustang”: une scénographie vitaminée et une incontestable réussite
La nuit tombe sur Inebolu, ce petit village reculé situé à l’extrême nord de la Turquie, à 500 kilomètres d’Istanbul. Dans le jardin d’une maison inhabitée, disposée sur un flanc de montagne face à la mer Noire, des dizaines de locaux, habillés en robes et costumes chic, se réunissent sous un chapiteau de fortune. Les femmes, certaines voilées, se tiennent à distance pudique de la foule, tandis que les hommes dansent au rythme de chants traditionnels et sortent leurs flingues pour tirer à balles réelles vers le ciel.
Contre l’obscurantisme religieux, il est bien vu de riposter par des fables de grand sage – preuve encore avec Timbuktu d’Abderrahmane Sissako, récompensé de sept César.Rien de plus éloigné de cette posture que Mustang, sorte de cavalcade polissonne et féminine, joyeuse et enragée, accueilli à la Quinzaine des réalisateurs par une escalade d’applaudissements.
Ce premier long métrage d’une jeune Franco-Turque, née à Ankara et diplômée de la Fémis, nous immerge dans le monde damné des jeunes filles mariées de force. Nord de la Turquie, aujourd’hui : cinq sœurs toutes plus jolies les unes que les autres, âgées peut-être de 11 à 17 ans, vivent inconscientes de leur bonheur qui va prendre fin, sous la coupe d’une grand-mère tradi et d’un oncle autoritaire. Leurs batifolages avec des garçons du voisinage leur sont reprochés : on accélère le processus de leurs épousailles.
C’est alors une ombre gigantesque portée sur cette sororité,
où l’on prend mari comme on va à l’échafaud.
L’incontestable réussite de Mustang tient au filmage des sœurs, corps collectif superbement fluide et chatoyant, bouquet de “jeunes filles en fleurs” telles qu’on les trouve de Proust à Sofia Coppola. Mais il existe chez Deniz Gamze Ergüven un vitalisme, une scénographie vitaminée qui, à chaque instant, émeut et égaie l’œil, nous attrape.
Trait qui range le film du côté d’un “féminisme joyeux”, expression utilisée par Agnès Varda pour qualifier la couleur de ses propres films, et par capillarité Mustang, dont la doyenne des cinéastes n’a pas manqué de faire la publicité sur la Croisette alors qu’elle y recevait sa Palme d’honneur.
Les sœurs transforment leur geôle en refuge contre le monde extérieur.On a bien tenté de reprocher au film sa légèreté, son infidélité à un réel autrement plus sombre. C’est gommer un peu vite sa noirceur – les sociétés liberticides, la mort parfois comme seule échappatoire –, renforcée justement par le contraste entre un corsetage moral et cette sorte de grâce ouatée de l’enfance, jusqu’à la dispersion du petit groupe,en cinq identités distinctes, avec chacune un destin plus ou moins enviable à la clé.
Sans diaboliser le mariage arrangé (l’une des sœurs y trouve son compte de câlins et de baisers), la réalisatrice dénonce une tradition nuisible dès lors qu’elle se meut en tyrannie, en prison. Une menace illustrée lors de cette très belle séquence où les sœurs cloîtrées transforment leur geôle en refuge contre le monde extérieur. C’est alors les autres qui sont désignés en vrais captif d’une doctrine morale et religieuse. Il faudra toute la pugnacité costaude d’une petite fille (toutes les actrices sont formidables) pour trouver le chemin de la liberté.
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