La critique des Inrocks
Association criminelle est longtemps resté un film dont personne ne voulait entendre parler. Ni Joseph Lewis qui lui préférait Gun crazy, plus original et personnel à son goût, ni son scénariste, Philip Yordan, et plus grave, ni son producteur,la MGM, qui allait en rétrocéder les droits à Allied Artists,une petite compagnie de distribution de films B.
Le point de départ d’Association criminelle ne tranche en rien sur le film de gangsters de base tel qu’il est conçu au milieu des années 50 : (un flic (Cornel Wilde) cherche à coffrer par tous les moyens un truand -Richard Conte- spécialisé dans le recyclage d’argent sale) sauf qu’il n’y a pas un seul plan dans le film qui ne soit à couper le souffle.
La manière dont Lewis organise l’espace,créant des rapports de force entre les personnages en fonction de la place qu’ils occupent dans le cadre (la scène où Richard Conte torture Wilde et pulvérise ses tympans à l’aide d’une oreillette reste l’un des grands moments de mise en scène du cinéma de Lewis).La photo de John Alton (l’un des grands chefs-opérateurs du film noir, qui n’utilise souvent qu’une seule source lumineuse) et un montage savant tendant vers l’abstraction contribuent à faire d’Association criminelle l’une des réussites majeures du film noir.
On a souvent retenu du film une seule scène, emblématique : la mort en muet de Brian Donlevy,tué par Richard Conte après que celui-ci lui a retiré son appareil auditif,et la volonté très nette de la part de Lewis de transformer l’enquête de Wilde en cauchemar éveillé.Il rencontre successivement un antiquaire véreux, un vieillard qui le prend pour un tueur et l’ex-femme de Richard Conte perdue dans une maison de retraite,dont le seul souci est d’éloigner les chenilles de ses rosiers Association criminelle vaut largement plus que ces morceaux de bravoure.(?bravoure?)
Il s’agit d’un des rares films noirs américains dont le cynisme, le pessimisme et l’enfermement ne soient pas seulement illustrés par le propos-parlant de son incapacité à quitter son amant gangster,Jean Wallace dit à Wilde qu’elle se sent dans un piège qui ne cesse de se refermer sur elle -mais aussi par le rythme et le choix des plans.Injustement oublié, il faut donc ranger Association criminelle à côté des plus grandes réussites du film noir, entre Pendez-moi haut et court et En quatrième vitesse.