à gauche Kelly Mc Donald
*
*
La critique
Danny Boyle, à qui l'on doit le mémorable SHALLOW GRAVE (PETITS MEURTRES ENTRE AMIS), livre un deuxième film sans pardon, imprégné d'un humour noir cynique, viscéralement immonde, mais excessivement drôle.Dans TRAINSPOTTING, on rit de tout, et surtout de ce qui est immoral: la drogue, la mort, le sexe. Tout est prétexte à la réflexion cinglante, ou à une poésie déplacée. Il nous entraîne au-delà des limites morales et visuelles, là où la cuvette des toilettes s'ouvre sur un océan bleu digne du monde des silences !Mais attention, on ne sort pas de TRAINSPOTTING indemne.
Cette provocation outrancière, qui a soulevé des vagues de critiques en Angleterre dès la sortie du film,n'est pas innocente.En 1h30, Danny Boyle nous brosse le portrait d'une jeunesse perdue, marginalisée par la société, et qui constate avec effroi qu'elle est dans une impasse.Le film est d'autant plus puissant qu'à aucun moment, il ne semble prendre parti. Pas de pamphlets dénonciateurs, pas de grands discours moraux:le réalisateur s'attache froidement aux péripéties de ses héros.Il garde toujours une distance par rapport aux scènes qu'il tourne,et ne s'implique jamais directement dans son oeuvre.
Il ne juge pas ses personnages, ni la société dans laquelle ils vivent. TRAINSPOTTING incite-t-il pour autant à la drogue ? Certainement pas.Les déboires que vivent quotidiennement Renton, Sick Boy et les autres nous démontrent de manière irréfutable que l'héroïne ravage ses adeptes, et qu'elle n'est en aucun cas une solution ou un remède face à la pression de la société.La seule chose que l'on peut reprocher au film est son intelligence: c'est au spectateur de tirer ses propres conclusions, pas question de lui étaler une conclusion prémachée à l'américaine...Sans compter que le réalisateur britannique impose en l'espace de deux films - ce qui est assez extraordinaire - un style visuel propre.
Bourré de créativité, il place sa caméra où il veut, dans une parfaite liberté.Car TRAINSPOTTING est une leçon de prise de vue et de couleurs: l'état quasi-constamment trippé de ses personnages permet à Danny Boyle de s'éclater dans des cadrages inédits, fabuleux, carrément allumés ! Quant aux couleurs, on avait déjà pu remarquer leur importance dans SHALLOW GRAVE, mais ici, elles percent l'écran. Bien que le film se déroule dans la banlieue grisâtre de Edimbourg,les murs des impasses sont rouges,bleus ou jaunes Boyle humanise ses décors, extériorise les sentiments exacerbés de ses personnages.A aucun moment, il ne se repose sur ses lauriers. A aucun moment il ne baisse sa garde. TRAINSPOTTING est constant dans le génie, il ne déçoit pas. Aucun doute, nous venons de voir le premier film-culte(ah dommage!) de l'année 96.
Jean-Dominique Quinet (Que je remercie pour son analyse concise,sans verbiages,mises en abimes et autres niaiseries. Je n'aurai pas pu faire aussi bien.