Le titre
Dans le roman, Francis Isles nous conduit à adopter le point de vue de l’héroïne qui raisonne toujours avant les faits, d’où le titre Before the fact ou Préméditation. Elle nourrit ses soupçons. Dans le film, le titre rejoint donc le thème du livre et renvoie directement aux soupçons du mal. Patrick Brion nous apprend que le film finit par s’appeler « Soupçons » après hésitation entre trois premiers titres «Before the fact»comme le roman,"Fright" et « Suspicious Lady ».
Dans la bande annonce du film ,Lina dira :"There is something strange about Johnnie Aysgarth. I knew it long before I met him "(Il y a quelque chose d'étrange concernant Johnnie Aysgarth. Je l'ai su bien avant que je le rencontre), introduisant le thème de before the fact. Les deux œuvres ne racontent pas la même histoire, les personnages sont les mêmes mais le dénouement du film transforme complètement le récit du livre.
Et pourtant les deux titres reflètent bien le sujet principal du film : « Before the fact » pour jugement avant les faits.C'est un renvoi aux préjugés qui se révèlent fondés dans le cas du livre.Et dans le cas du film Soupçons pour soupçons du mal, et donc aussi préjugé «opinion, idée préconçue adoptée sans examen» (d'après le dictionnaire Hachette de 1991) dont le dernier et plus grave se révèle infondé à la fin du film.
Les personnages
Les personnages du roman que Hitchcock reprend sont : Lina, Johnnie, Beaky, les parents de Lina, le capitaine Melbeck, Ethel la servante de Lina. Il ne reprend pas la sœur de Lina ni sa meilleure amie Janet, qui toutes deux jouent un rôle important dans le roman.
Le film se divise en deux parties tout comme le roman. Néanmoins les parties sont différentes. Premièrement le décor est planté avec la présentation des personnages. C’est dans cette première partie qu’on comprend bien que Lina élevée à l’ancienne, est très brillante dans ses études mais son avenir émotionnel semble en péril. Ses parents s’inquiètent pour elle, se demandant si elle trouvera un mari. Cette première partie rejoint celle du livre à l’exception que dans le livre elle était comparée à sa sœur Joyce, qui jugée plus belle qu’elle,avait rapidement trouvé un mari.
Les parents de Lina comptaient maintenant sur l’intelligence de leur fille, et non sur son apparence physique pour qu'elle trouve un homme. On a donc bien l’inquiétude des parents qui est restituée par Hitchcock. Lina surprend leur conversation. Pour Hitchcock c’est l’occasion de donner à cette cause une autre tournure. C'est sa peur de ne pas trouver de mari qui pousse Lina à se jeter dans les bras de Johnnie. D’ailleurs, le plan où elle surprend la conversation est cadré sur elle à la fenêtre. Puis quand elle a entendu la conversation de ses parents la concernant, la caméra ouvre le champ et on voit Johnnie qui, tout près a aussi suivi la scène.
Elle se jette alors sur lui tandis qu’une musique intense joue sa surprise de voir Johnnie. Elle lui administre là son premier baiser. Les valeurs de Lina nous sont suggérées dès le début. Dès les premiers plans, de la façon dont John Aysgarth qu’elle rencontre dans le train la regarde, de bas en haut, on voit que toute son apparence appartient à une classe assez prude.
John Aysgarth
Quand à John Aysgarth, son Johnnie, il nous est présenté comme un dragueur. Il est adoré par la gent féminine, dragueur invétéré, et excentrique.Tout son côté joueur,menteur n’est pas très visible dans la première partie mais suggéré.
En effet, on a quelques indices de sa potentielle malhonnêteté dans la scène du train ; quand il pousse sa voisine de devant, qui n’est autre que Lina à lui payer le supplément de sa place de train. Il a un billet de classe moyenne et se trouve en première classe. Son côté enfantin est aussi suggéré quand, donnant un timbre au contrôleur à la place d’une pièce, il lui fait une blague que ce dernier ne reçoit pas avec joie.
Ce côté enfantin et drôle, courant du jeune homme aimé de ses dames – faisant de lui dans un premier temps, le vicomte de Valmont du film - suit une continuité dans les 2 parties, mais est moins présent dans la suite. Il a toujours le sourire, et a toujours le mot pour susciter la bonne humeur. C’est un éternel enfant comme dira Lina. Il faut noter cependant qu’il n’avait pas une bonne réputation, car le père de Lina prétendait qu’il avait triché au jeu lors d’un repas à table avec sa famille ou avait eu un problème de femme.
Cette scène du déjeuner en famille est présente dans le livre avec la particularité suivante : Lina se met à parler en français pour dire à son père que la servante pourrait entendre ses paroles désobligeantes. Dans le livre cet élément relève à la fois la grande instruction de Lina et la réserve de la famille quant à leur honneur en public.Dans le film,On peut dire que la deuxième partie commence après leur lune de miel. Les Aysgarth se sont mariés, à l’insu de la famille MacLaidlaw et ils ont aménagé dans une grande maison sous l’instigation de Johnnie, ce dernier estimant qu’il veut faire plaisir à sa femme.
Cary Grant joue royalement le personnage. C’est dans cette deuxième partie qu’on découvrira – ou redécouvrira - les défauts cachés de Johnnie. Tant qu’il était célibataire, ces défauts-là étaient encore gérables et de moindre importance. Mais le voilà marié maintenant, et chacune de ses actions a des répercussions sur le couple entier. Or Johnnie était un menteur, un voleur et un tricheur.Dans le livre, il est en plus adultère. Il s’assagit un peu à la fin du livre ; mais non sans avoir enceinté la servante et avoir eu une relation avec la meilleure amie de Lina : Janet.