Christiane Passevant : Pour marquer des repères dans l’évolution du récit dramatique, vous utilisez une animation qui fait référence à la trajectoire du père, au jeu de son enfance. Avez-vous conçu les différentes phases de cette animation en même temps que la construction du film ou bien après ?
Panos H. Koutras : J’y ai pensé dès le début. Cela marque le cheminement de sa prise de conscience. Il se rapproche de lui-même.
Christiane Passevant : Vous avez choisi cette fin avec l’animation, la musique qui explose et la fête qui donne une vision optimiste d’une famille élargie et différente de l’image généralement véhiculée ?
Panos H. Koutras : Je ne voulais pas passer de message avec la fin. Cette fin était pour moi la plus réaliste et la plus naturelle. Ils passent ensemble le nouvel an. J’adore moi-même passer le nouvel an avec ma famille et des amis, c’est fun, c’est bien, et c’est ce qu’ils font. C’est aussi simple que cela. Le film ne dit pas ce qu’il va se passer ensuite.Peut-être qu’il y aura des problèmes, des heurts, des dissensions, on l’ignore. Mais un lien a été créé et ils se sont battus pour le créer, pour l’accepter.La fin m’est apparue tout à fait logique et naturelle.
Larry Portis : Vous avez employé le mot kitsch pour votre film, mais une des caractéristiques est aussi la beauté et la beauté intérieure des personnages. Et la musique y joue un rôle essentiel.
Panos H. Koutras : J’ai trouvé les personnages, Strella, Yorgos, Alex, beaux et c’est pourquoi je les ai filmés de très près.
Larry Portis : Et la Callas ? La voix ?
Panos H. Koutras : Dans la première partie du film, c’est Strella qui chante. La Callas — Strella le dit dans le film — est quelqu’un qui a poussé ses limites au plus loin, c’est pour cela qu’elle a perdu sa voix en dix ans. Elle a chanté ensuite, mais sans la perfection à laquelle elle était parvenue. Strella le dit :"nous partageons la folie".
Christiane Passevant : Depuis plusieurs années, nous découvrons des films grecs très forts par leurs sujets. Je pense notamment à Eduart d’Angeliki Antoniou . Le cinéma grec reçoit-il des aides financières ? Et peut-on parler de nouvelle vague du cinéma grec ?
Panos H. Koutras : Je ne sais pas si l’on peut parler de nouvelle vague, mais il existe actuellement un désir général des cinéastes de changer un peu les choses dans la société. Il faut dire que les artistes reflètent généralement leur société…
Christiane Passevant : Ils/elles en sont aussi parfois l’avant-garde.
Panos H. Koutras : Oui, une avant-garde, mais proche des problèmes sociaux. Je ne parlerai pas cependant de nouvelle vague — enfin peut-être — parce que cela concerne toutes les générations, mais il est vrai qu’actuellement les artistes sont plus engagés.Un groupe de cinéastes et de producteurs, dont Angeliki Antoniou et d’autres font partie, sont très actifs — c’est un mouvement ou un groupe de réflexion — et font pression sur le gouvernement pour passer de nouvelles législations sur le cinéma.C’est pour cela que nous n’envoyons pas de film au festival de Thessalonique en novembre. Nous avons fait une sorte de grève. Le nom de notre groupe est « les cinéastes dans le brouillard ».
Christiane Passevant : Cela fait un beau titre. Et Angeliki Antoniou fait partie du groupe ?
Panos H. Koutras : Angeliki et beaucoup d’autres puisque nous sommes 140 dans ce groupe de cinéastes, réalisateurs et producteurs de longs et courts métrages.
Cet entretien a eu lieu le 31 octobre 2009, à Montpellier, lors du 31e festival international du cinéma méditerranéen. Transcription et présentation de Christiane Passevant.