LE MONDE
On n’ose appeler rétrospective le furtif coup de projecteur passé par le festival Lumière sur Antonio Pietrangeli, réalisateur méconnu en France, tiré en trois titres sec des profondeurs archivistiques du cinéma italien. Sa carrière fut certes courte. Médecin de formation, puis critique de cinéma, il la commence comme scénariste, auprès de Luchino Visconti (Les Amants diaboliques, 1943) et Roberto Rossellini (Europe 51, 1952). Son parcours de réalisateur compte une dizaine de longs-métrages, réalisés entre 1953 et 1968, date à laquelle il se noie accidentellement sur son dernier tournage.
Parmi les titres présentés à Lyon, on redécouvre son tout premier film, Du soleil dans les yeux, qui est concomitamment resorti dans les salles mercredi. Et, du même coup, son thème de prédilection : le fourvoiement de la jeune provinciale – sur fond de développement économique et de mutation sociale rapides –, attirée par la grande ville où ne l’attend que désillusion et humiliation. C’est la veine féministe et sociale de Pietrangeli qui s’exprime dans la majorité de ses films.Son thème de prédilection : le fourvoiement de la jeune provinciale
Le film met en scène la montée à Rome de Celestina, beau brin de fille aux rondeurs escamotées par sa mise rustique, naïve et croyante, quittant à contrecœur son village de Castelluccio (Ombrie) pour trouver du travail dans la capitale. L’Eglise et ses œuvres, incitant ses ouailles à la soumission et au respect des mœurs, y fait office d’agence de placement, discrètement dépeinte par Pietrangeli comme une force qui marche main dans la main avec un ordre social sans foi ni loi. Les premières images de Rome, découvertes par le spectateur en même temps que l’héroïne, sont celles d’une ville qui change à marche forcée, au risque d’y perdre son âme. La famille où est placée la jeune fille y est montrée en plein emmémagement, couple mequin et vociférant, rabrouant immédiatement la petite bonne....
Courte carrière que celle d’Antonio Pietrangeli, nouveau repêchage italien ramené des profondeurs des archives. Médecin de formation, puis critique de cinéma, il commence sa carrière comme scénariste, avec notamment Luchino Visconti (Les Amants diaboliques, 1943) et Roberto Rossellini (Europe 51, 1952)Son parcours de réalisateur proprement dit, qui se situe à mi-chemin du néoréalisme et de la comédie italienne, compte une dizaine de longs-métrages, réalisés entre 1953 et 1968, date à laquelle il se noie accidentellement sur son dernier tournage.
On découvre aujourd’hui son tout premier film en tant que réalisateur, Du soleil dans les yeux. Et, du même coup, son thème de prédilection : le fourvoiement de la jeune provinciale attirée par la grande ville où ne l’attend que désillusion et humiliation.Nous sommes en 1953, quelque chose mute, y compris dans le cinéma italien, comme en témoigne ce mélo social qui met en scène la montée à Rome de Celestina,beau brin de fille naïve et croyante, quittant à contrecœur son village de Castelluccio (Ombrie) pour trouver du travail dans la capitale. L’Eglise et ses œuvres, incitant ses ouailles à la soumission et au respect des mœurs, y fait office d’agence de placement, discrètement dépeinte par Pietrangeli comme une force qui marche main dans la main avec un ordre social sans foi ni loi.
La famille où est placée la jeune fille y est montrée en plein déménagement, dans un immeuble flambant neuf, dans le plus grand énervement et la plus grande mesquinerie. Un couple de petits-bourgeois qui s’agite et vocifère, tout à la joie de montrer son ascension et la nécessité conséquente de rabrouer immédiatement la jeune provinciale placée chez lui. Avec cette nouvelle place, Celestina inaugure une sorte de chemin de croix qui va la soumettre aux perversions de la grande ville, la jeter dans le désespoir et corrompre in fine son propre tempérament. Le manichéisme de ce schéma est évidemment la limite du film, qui vaut surtout pour la coupe sociale qu’il offre du pays, à travers ses divers personnages.
J. M.