DVDfr
Summer (Sangailes vasara, l’été de Sangaïlé) est le second long métrage de la réalisatrice-scénariste lithuanienne Alanté Kavaité, après Fissures - Ecoute le temps, un thriller fantastique, tourné en France en 2006, avec Émilie Dequenne dans le rôle principal.
Summer offre une rare occasion de découverte du cinéma lithuanien, peu présent dans nos bacs. On y trouve cependant plusieurs documentaires de Jonas Mekas et, du côté des fictions, quelques titres, dont La Révolte des Insoumis (2011) de Donatas Ulvydas, Vanishing Waves (Aurora, 2012) de Kristina Buozyte, Redirected (2014) d’Emilis Velyvis. Le plus présent étant Sharunas Bartas, avec Few of Us (1996), The House (1997), Seven Invisible Men (2005) et Indigène d’Eurasie (Les derniers jours d’un mafieux) (2010).
La délicate sensualité du film tient autant à la photo éthérée de Dominique Colin, capturée par une caméra légère dans la pâle lumière de l’été nordique, qu’aux scènes intimes entre les deux jeunes filles, filmées avec pudeur. Difficile, également, de ne pas être touché par l’étrange beauté de Julija Steponaityte, l’interprète de Sangaïlé.
Mais Summer raconte surtout la sortie de Sangaïlé d’une adolescence vécue dans une douleur silencieuse dont on ignore les causes. Les connaît-elle, elle-même ? Il faudra, pour l’inciter à sortir de son enfermement, la rencontre fortuite avec Austé, une tout autre fille.
Summer révèle, par la force des images, séquence après séquence, le contraste entre les deux adolescentes. L’une semble traîner son ennui, ne s’intéresse à rien. À rien, sauf aux avions qui la fascinent, mais lui font peur, car elle souffre du vertige. Et aussi d’un autre mal, indéfinissable, qui la pousse à se punir en se scarifiant les avant-bras avec la pointe d’un compas. Austé, à l’inverse, semble déborder de confiance en elle et s’agite, comme un électron libre : elle dessine des tissus, crée des vêtements, photographie ses modèles dans des compositions surréalistes…
Dans la chambre de l’une, un lit et une lampe de chevet, un tapis monochrome, aucune décoration sur les lambris, un discret mobile en bois au plafond, rien d’autre. Dans la chambre de l’autre, s’entasse un impossible capharnaüm multicolore d’objets hétéroclites ; des éclats de miroirs pendent du plafond, au milieu duquel trône… un fauteuil !
L’environnement du drame est également contrasté : la douceur d’une campagne baignée par une douce lumière estivale, avec laquelle s’harmonise l’accompagnement musical de Jean-Benoît Dunckel, tranche avec l’agressivité des cheminées d’usine sur la rive du lac opposée à celle où Austé et ses amis viennent se baigner.
Summer nous montre, avec une remarquable économie de dialogues, seulement par les images, comment Austé réussira, par une suite de petites attentions, à apprivoiser, puis à séduire Sangaïlé et à l’aider à sortir de sa coquille. Cela commence par quelques regards, puis se poursuit par la scène très tendre où, lui ayant proposé de lui faire une robe, elle lui demande, pour prendre ses mesures, de se déshabiller.
Sangaïlé est mal à l’aise, honteuse de son corps. Contraste, là encore, avec sa totale libération qui adviendra plus tard, dans une belle scène quasi-féérique, filmée sous l’éclairage de loupiotes cousues sur les deux robes confectionnées par Austé.Si vous avez raté Summer en salles, la sortie du DVD vous donne une seconde chance de voir un film délicatement envoûtant, hypnotique.