Les scènes américaines reconstituées en studio par le cinéaste sont nourries de deux tendances contradictoires : d’un côté il y a les souvenirs que Feyder conserve de son passage aux Etats-Unis, de l’autre des acteurs français qui déclament un texte aussi peu anglo-saxon que possible. Si Feyder tourne avec une vedette très en vue, Michèle Morgan, et retrouve Charles Vanel, le casting montre une certaine tendance au cabotinage avec Jean Brochard interprétant un Ecossais du Grand Nord aussi convaincant qu'un Fernandel en Mata-Hari, ou encore Pierre Richard-Willm et Jacques Terrane, les deux amoureux transis de Jacqueline, qui se disputent joyeusement le titre du pire acteur du film...
Heureusement, le cœur du film - une nouvelle fuite en avant vers un idéal impossible à atteindre - tient essentiellement sur le personnage de Jacqueline, une femme qui s’est trompée sur le compte d’un homme qu’elle a cru aimer, et qu’elle va pourtant accompagner jusqu’au bout parce qu’elle l’a choisi. En chemin, elle rencontre l’amour, le vrai, mais son engagement l'empêche de s'y livrer. Face à Morgan, il faut saluer Vanel qui est comme à son habitude fantastique en homme partagé entre son devoir et ses sentiments. Le drame de la jeune femme a beau être celui d’être partagée entre deux hommes qu’elle aime, il va se jouer symboliquement entre Jacqueline et la nature. Toutes choses font que, malgré ses défauts, La Loi du Nord est un film loin d'être banal.
Par François Massarelli - le 6 février 2014