Edouard Delmont & Gérard Philipe
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Marcel Carné
La seule copie de ce film est restée chez moi dans des placards peut-être 30 ans, et puis un jour, par Roland Lesaffre, je rencontre le directeur de la revue l'Avant-Scène qui me dit qu'il a un club qui s'appelle "le Club des Invisibles" qui projette des films tous les dimanches matins. Donc j'accepte, mais j'avais un peu peur, et j'étais plus ému le matin de la présentation que si c'était un film nouveau ! J'avais oublié le film et j'avais peur que ce soit très vieux, que ça déçoivent les gens, et il y a eu un enthousiasme extraordinaire que je n'ai pas compris.
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A tel point qu'à la sortie Pierre Prévert m'a dit :«Mais t'as refait le montage ? Car tu étais drôlement en avance." Finalement l'Avant-Scène m'a dit qu'ils pourraient exploiter ce film. Alors ils ont été très moches, en ce sens que sans rien me dire ils ont commencé à le passer dans des ciné-clubs et toujours sans rien me dire, ils l'ont sonorisé eux-même. Et brutalement je me suis trouvé devant le film avec des airs que je n'aime pas du tout. Dieu sait si je connais les javas,l'accordéon... Ça aurait pu être bien pire mais ça aurait pu être bien meilleur...
Q
Le dernier plan, celui de l'accordéoniste, me paraît être la clef du film...c'était un véritable aveugle ou c'était un acteur ?
M.C
Non, c'était un acteur, plutôt un camarade...
Q
Et pourquoi terminer le film avec cet accordéoniste ?
M.C
C'était pour terminer sur une note nostalgique, c'est la fin d'une journée, le lendemain on va voir... déjà dans le train on va penser... au travail du lendemain, c'est fini. Vous comprenez ?
Q
Mais lui probablement reste à Nogent, non ?
M.C
Oui mais ça n'a pas d'importance qu'il soit de Paris ou de... D'ailleurs dans mon idée ce n'est pas véritablement un aveugle, c'est un vrai garçon qui a la vue très faible et met des lunettes noires.