L'avis d"Avoir à lire"
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Notre avis : Après avoir fait ses armes avec deux petits films, le réalisateur Pierre Granier-Deferre entre pour la première fois dans la cour des grands avec cette adaptation d’un roman noir d’Alphonse Boudard. Il dispose de moyens conséquents, d’un casting royal dominé par la star Lino Ventura et d’un dialoguiste hors pair, à savoir Michel Audiard. A part les deux génériques (de début et de fin) qui font preuve d’une véritable imagination, la réalisation de Granier-Deferre est d’un redoutable classicisme qui tranche sérieusement avec les expérimentations de la nouvelle vague, alors en pleine effervescence. Certes, quelques mouvements d’appareil laissent entrevoir un semblant de mise en scène, mais l’ensemble demeure statique, faisant essentiellement la part belle aux acteurs.
Et dans ce domaine, La métamorphose des cloportes (1965) offre un véritable festival de monstres sacrés pour lesquels Audiard a concocté des dialogues ciselés à l’humour cinglant. Lino Ventura tient une fois de plus le rôle d’un truand charismatique. Il est soutenu par un Charles Aznavour veul, un Maurice Biraud lâche à souhait et un Pierre Brasseur qui cabotine un maximum.(toujours) Autant dire que l’essentiel du plaisir du spectateur vient de cette impeccable confrontation entre des acteurs dirigés de main de maître et des répliques immédiatement cultes.
L’histoire, très classique dans sa structure, permet toutefois de donner libre cours aux sarcasmes si chers à Audiard. Malgré la bonne tenue de ce polar typiquement français, le résultat au box-office hexagonal fut plutôt en demi-teinte avec un total de 905 000 cafards sur toute la France, à une époque où le seul nom de Lino Ventura permettait de drainer dans les salles entre deux et trois millions de spectateurs. Heureusement, ce demi-échec n’a pas entamé la bonne réputation de ce thriller, toujours aussi agréable à regarder aujourd’hui.
Virgile Dumez