L'Analyse de CRITIKAT (Fin)
Le Trou est tout juste achevé que son réalisateur disparaît à 53 ans, en février 1960, Jean-Luc Godard salue le « frère Jacques ». À bout de souffle achève alors d’enterrer l’académisme cinématographique dénoncé par François Truffaut. Si ce dernier qualifie le film de « poétique », il est boudé par le public. Le Trou est accusé de prendre le parti des prisonniers, donc des criminels. Pour pallier l’échec commercial du film, le producteur ampute alors le film d’une vingtaine de minutes. Le Trou a ainsi été, et sans doute l’est-il encore aujourd’hui, longtemps méconnu. Il s’offre pourtant, avec des moments de grande intensité, comme une expérience de cinéma hors du commun dans laquelle les images révèlent, comme dans toute grande poésie visuelle, l’invisible univers des sentiments et des valeurs.
Il a fallu attendre des années avant que ce film ne devienne une référence à l’égal d’Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson, auquel Le Trou peut légitimement être apparenté, et plus tard d’Escape from Alcatraz de Don Siegel, qui en reprend plusieurs aspects. Le rapprochement du Trou avec Un condamné à mort s’est échappé ne manque d’ailleurs pas d’intérêt quant aux conceptions respectives des deux réalisateurs, ainsi que l’analyse fort bien Claude Naumann. «Accompagné par le Requiem de Mozart, l’épilogue de Bresson comprend une évidente connotation rédemptrice : Fontaine et Jost sortent libres et magnifiés par cette épreuve » qu’est l’évasion de la prison Montluc. Par comparaison, « le dernier film de Becker est un chant funèbre à l’illusoire fraternité entre les hommes, alors que le film de Bresson se termine sur le triomphe de la volonté humaine ».
En expert, Jean-Pierre Melville considérait Le Trou, « et là, disait-il, je pèse bien attentivement mes mots, comme le plus grand film français de tous les temps ».Quarante-cinq ans après sa réalisation, ce qui est sans doute l’un des plus beaux films de Jacques Becker demeure au moins un modèle de mise en scène ; une œuvre forte qui s’impose comme un film singulier, implacable par l’humanité de ses personnages et le grand souffle de la Liberté contrariée qui les anime.