Virna Lisi
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Analyse par Oscar Duboy (suite)
À vrai dire, il n’y a pas que la maison qui est froide à Venise, mais la ville entière, plongée dans une atmosphère étrange. Même lorsqu’elle est en fête ou dans les lieux de mondanité comme l’Harry’s Bar ou le Danieli, elle garde un aspect presque mortifère qui n’est pas sans rappeler la Rome de La Dolce Vita, tourné à la même époque. C’est la même décadence langoureuse qui émane de ces décors fastueux où évoluent des personnages presque hébétés par la luxure vénitienne. Car si l’âge d’or de la ville date de la République des Doges, les années 60 voient Venise au centre de l’effervescence culturelle entre mécènes et artistes en tout genre – Peggy Guggenheim n’apparaît pas là par hasard.
En même temps, Losey – avec l’aide précieuse du très bon directeur de la photographie Gianni Di Venanzo – a l’intelligence de refuser la couleur clinquante, en lui opposant un magnifique noir et blanc dont les contrastes se noient dans une sorte de gris atmosphérique. Telle est la couleur de Venise, de l’enduit de chaux de ses façades blanches noircies par le temps, de la brume lagunaire qui enveloppe les canaux dans un univers à part. Rarement cette sensation de flottement si propre à Venise dans tous les sens du terme n’a été si bien rendue au cinéma, bien que d’innombrables films y aient été tournés.