L'actrice continuera une carrière superbe, et rencontrera à nouveau Mankiewicz à l'avenir avec On murmure dans la ville, peut-être son plus beau film (en quelque-sorte sa propre version de La vie est belle de Capra). Le mari de Deborah est en revanche interprété sans grande présence par Jeffrey Lynn, peu aidé par un personnage sans doute plus faible que les autres. Ann Sothern est une éclatante et très convaincante Rita, femme méritante et forte, face à son mari, un George frais et nature sous les traits de l'étonnant Kirk Douglas.
On a certes vu l'acteur plus habité et bien plus intense dans beaucoup d'autres films, mais sa figure sympathique forçant le questionnement et la retenue font merveille. Alors qu'il n'est pas encore une star (il a pour l'heure moins de dix films à son actif, et aucun rôle de premier plan sincèrement marquant), mais qu'il vient de confirmer une carrière montante, Douglas ne va plus tarder à exploser. Le champion de Mark Robson et le début des années 1950 viendront durablement impacter le phénomène. Un mythe s'apprête à naître. Star féminine de la 20th Century Fox, la très charismatique et incendiaire Linda Darnell démontre ici ses talents d'actrice solide et ambiguë dans le rôle de la passionnante Lora Mae, côtoyée par la si juste Thelma Ritter.
Cette dernière, de Eve aux Désaxés de John Huston en passant par Le port de la drogue de Samuel Fuller, fait assurément partie des meilleurs seconds rôles féminins de l'âge d'or hollywoodien. Pour finir, Paul Douglas, type même du character actor hollywoodien, vient balader son jeu naturel et sa hargne d'ours mal léché avec un bonheur évident. On s'en voudrait de ne pas aimer le détester, et de ne pas détester l'aimer. Les dernières secondes du film lui appartiennent à tout jamais. L'équipe d'acteurs réunie fera sans aucun problème oublier celle prévue à la base (1).