Reste que le film de Mankiewicz est un délice de tous les instants. Sa réalisation frôle la perfection par son choix de cadre souvent simple mais élégant, et sa fluidité absolument remarquable. Il maîtrise son script avec brio et donne toute leur mesure aux thèmes déployés. Si le film est moins flamboyant que L'aventure de Mme Muir et moins virtuose que Eve, il n'en reste pas moins aussi élégant et sincère, inattendu et captivant.
Le cinéaste mêle de surcroit les tons et transforme l'ensemble en une comédie dramatique à tendance romantique, offrant quantités de dialogues admirables et de situations tragi-comiques. La vie, d'un certain point de vue, rehaussé d'un ton caustique qui n'épargne pas grand-chose des institutions. Il s'agit enfin malgré tout de l'un des films les plus légers de Mankiewicz, lumineux en dépit de la gravité de son sujet, et même finalement assez proche d'une coquette comédie de mœurs.
Parfois, l’œuvre cède même au burlesque le plus drôle, comme en témoigne cette scène répétée du tremblement de terre provoqué par un train passant tout près d’une maison modeste. Puis, essentielle à la réussite du film, la distribution s'avère resplendissante, notamment fort bien dirigée. Il ne faut pas oublier que, plus qu'un technicien, Mankiewicz était un prodigieux directeur d'acteurs et d'actrices. Jeanne Crain apporte sa fraicheur et sa beauté à sa juvénile incarnation de la candide Deborah.