Ann Sothern : Rita Phipps & Kirk Douglas : George Phipps
DVD Classik- Analyse et critique de CHAINES CONJUGALES de Joseph.L. Mankiewicz
par Par Julien Léonard - le 10 juillet 2014
Part1
D'abord scénariste, puis producteur à la MGM et ensuite à la 20th Century Fox, Joseph L. Mankiewicz figure aisément parmi les nombreux réalisateurs importants, voire essentiels, de l'âge d'or hollywoodien. Homme éduqué, cultivé, sensible et élégant, Mankiewicz a pratiqué l'ascension des sphères hollywoodiennes dans le but avoué de pouvoir contrôler ses propres projets. Écrire des scénarios ne lui suffisait pas, il lui fallait les mettre en scène et les produire. Il touchait à tous les registres créatifs et portait son dévolu sur des sujets difficiles, socialement parlant, éprouvant ainsi les mœurs et les idées bien établies d'une société américaine ambiante sclérosée dans son schéma traditionnel.
Mankiewicz ne fait pas partie des réalisateurs visuels et stakhanovistes de l'usine à rêves (ceux, dictatoriaux, qui étaient capables de transformer en or quasiment n'importe quel script), ni même des metteurs en scène aventuriers (les frondeurs, romantiques et téméraires)... La liste pourrait être longue de ces castes de réalisateurs plus ou moins capables, aux champs culturels multiples et aux points de vue dissemblables. Ils faisaient la fierté des studios et en portaient l'identité, non sans jamais renier de leur propre esprit créatif, constituant ainsi une autre idée de "l'auteur", très différente de l'idée que l'on peut s'en faire en Europe, et tout particulièrement en France.
Les grands réalisateurs hollywoodiens se sont tous illustrés dans cette optique de travail en groupe, afin de servir une vision d'ensemble maîtrisée par un art opérant sur plusieurs degrés participatifs. En bref, là où la vision d'un cinéaste doit harmoniser tous les talents qu'il a sous sa direction. Aussi romantique qu'un Vincente Minnelli, mais avec un point de vue beaucoup plus intellectuel et moins dynamique, Mankiewicz se rapprocherait sans doute un peu plus de la distinction que l'on peut faire dans l'Hexagone à propos de la notion d' "auteur".
On voit dans sa carrière une volonté de contrôler des projets personnels, et une véritable insistance à aborder des sujets intimes grâce à une enveloppe artistique refusant presque toujours la moindre conception de "l'action", au sens hollywoodien du terme. A l'inverse, par exemple, d'un Raoul Walsh insistant sur cet état de fait, Mankiewicz préfère la prestation dominante des dialogues, posant ses personnages dans des cadres finalement restreints desquels ressortent d'audacieuses formes psychologiques.