3- Réalisation et diffusion d’un chef d’œuvre du cinéma
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Les différentes versions du film
La première distribution du film en France donne lieu,en 1937, à quelques coupes exigées par la censure, l’une d’entre elles faisant allusion aux maladies vénériennes des militaires. On sait que La Grande Illusion, pourtant primé à Venise, fut totalement interdit dans plusieurs pays. Projeté au Festival de Venise en 1937, le jury n'ose pas lui décerner le Grand Prix (qui va à Carnet de Bal de Duvivier) et invente un prix de consolation. Quelques mois plus tard, Mussolini interdit purement et simplement le film que Goebbels, en Allemagne,qualifie d' ennemi cinématographique numéro un ».
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Au Japon, en Hongrie, en Autriche (après l'Anschluss), tous censurent au moins partiellement le film. C'est également le cas de la France à partir de septembre 1939 ; la représentation d'une fraternité franco-allemande est alors tout à fait inacceptable pour ces pays prêts à entrer en guerre. La Grande Illusion fait l’objet d’une nouvelle sortie à la Libération en 1946. Mais il s'agit encore d'une version censurée. La Commission de contrôle exige en effet la suppression de plusieurs scènes : le rôle d’Elsa interprété par Dita Parlo est largement réduit ainsi qu’un certain nombre de scènes où les Allemands sont dépeints sous un jour sympathique.
A dater de cette sortie, Renoir n’eut de cesse de récupérer les droits sur son film et de rétablir une version complète à partir d’un négatif original. Il ne retrouva pas cet élément pour la première restauration de 1958 et dut se contraindre à une reconstitution du film à partir de divers contretypes français, allemands et américains. A l’occasion de cette ressortie, Jean Renoir enregistra un bref prologue rappelant les circonstances du tournage en 1937, et le contexte qui présida à son élaboration, rappel nécessaire dans une Europe encore marquée par la Seconde Guerre mondiale.
C’est cette copie que les Allemands purent enfin découvrir, près de 25 ans après le tournage, en 1960. L’affiche allemande, signée Jan Lenica, symbolise la réconciliation entre les deux peuples (un casque à pointe surmonte une poignée de mains fraternelle). Cette reconstitution de 1958 était finalement assez conforme à la copie d’origine, telle qu’elle a pu être restaurée pour la première fois par les Archives françaises du film du CNC en 1997. Ce n’est qu’à cette date en effet que La Grande Illusion fut restituée à partir du négatif original, conservé par la Cinémathèque de Toulouse.