Mia Wasikowska
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Critique publiée par Flaw 70 le 8 août 2014
Après 5 ans d’absence, Jim Jarmusch revient au cinéma pour offrir sa vision moderne du vampire qui tranche radicalement avec les déviances récentes du mythe ( Twilight ) et redonne toutes les lettres de noblesses à ses créatures de la nuit. Il réussit clairement là ou beaucoup d'autres on échoué car il livre un récit romantique et intense sans jamais tomber dans le pathos et la guimauve adolescente. Plus que cela il a fait un film intelligent qui ne prend pas ses spectateurs pour des imbéciles grâce a de nombreuses références culturelles sur la musique, la littérature et la science, qui ce révèle même parfois exigeant pour ne pas passer à coté de l'histoire et nous livre une réflexion psychologique intéressante et pertinente.
D'ailleurs il ne fait pas que nous parler de ce couple en pleine errance mais il parle aussi du monde qui ce meurt, de la nostalgie de l'ancien temps et du manque d'imagination et d'inventivité au fils des années. Jarmusch se montre très sévère avec les hommes, les qualifiants de zombies, ils ne sont que des êtres décharnés et inintéressants qui ne savent plus vivre. Ici les vrais hommes sont les vampires, ils ne sont jamais cités en tant que tel car ils sont bien plus humain que les "zombies", ils sont les témoins de la dégénérescence du monde, de la dégradation de l'art et de la contamination de la nature qui se détraque ( les champignons qui ne sont pas à la bonne saison ) et s’empoisonnent ( l'eau acidifié de Détroit, le sang contaminé,... ).
Le film a aussi un fond biblique avec les personnages d'Adam et Ève, les premiers amants de l'histoire qui sont condamnés à errer dans un monde qui n'a plus rien à leurs offrir mais ils persistent néanmoins à s'accrocher à leur vie. Pourtant malgré son pessimisme initiale Jarmusch va néanmoins distiller l'espoir de jours meilleurs, la vie n'est ici qu'une boucle qui se répète pour l'éternité comme ces amants qui se séparent et se retrouvent au fil des siècles, comme ces vinyles qui tournent sans cesse et cette musique qui revient toujours lorsqu'on s'y attend le moins ou comme Détroit qui finira par renaître de ses cendres
Sans parler de la sœur qui revient dans la vie des amants pour distiller le chaos, chaque choses se reproduisant encore et encore comme si tout était coincé dans une boucle. Tout le principe du film se repose sur cette boucle, que ce soit la musique d'Adam conçue comme la répétition d'une même mélodie ou la mise en scène qui nous présente ces personnages avec une caméra tournoyante sur elle-même. Par ailleurs le film fait aussi preuve d'un humour et d'un cynisme bien venu qui fait toujours mouche.
Le casting est irréprochable même si certains acteurs n'ont pas beaucoup de place pour briller ( Mia Wasikowska et Anton Yelchin) tout de même très bons mais la dominance revient à un excellent John Hurt, à un Tom Hiddleston puissant et magnétique et à une Tilda Swinton renversante et charismatique. La réalisation est impeccable avec une belle photographie et une musique électrisante brillamment orchestrée tandis que la mise en scène de Jim Jarmusch se montre élégante et inspirée et fait flotter un sentiment d'hypnose et d'extase saisissant.
Only Lovers Left Alive est donc un très bon film de vampires, sans doute le meilleur de ces 10 dernières années depuis l'excellent Entretien avec un Vampire et même si il n'est pas aussi puissant que ce dernier et qu'il souffre de quelques longueurs ,du fait d’être trop renfermé sur lui- même pour être universel ou encore d’être trop sédentaire pour être un véritable chef d'oeuvre, il reste incontestablement un grand moment de cinéma. En conclusion Jim Jarmusch livre son meilleur film depuis Ghost Dog, un film qui a quelque chose à dire même s'il ne s'en donne pas l'air et qui mérite d' être vu et entendu par tout fan de vampire et de rock qui se respecte.