Critique publiée par Cultural Mind le 28 janvier 2014
C’est l’archétype même du film qui met immanquablement le Landerneau médiatique sur les dents. Tout, ou presque, a été dit sur ce "Jeune & jolie" dont la matière première – une adolescente qui se prostitue délibérément – se prévaut d’une portée quasi illimitée.
Une ligne directrice qui se repaît de soufre et à même de tout emporter dans son sillage. En découle logiquement une kyrielle d’écueils – le voyeurisme, les lieux communs,la vulgarité, voire l’obscénité – propres à déstabiliser n’importe quel cinéaste.Tenant néanmoins ce pari à haut risque, François Ozon déroule posément son récit, braquant son objectif, sans jamais émettre le moindre jugement, sur cette femme en devenir qui alimente sans broncher son propre cercle vicieux.
Désamorçant avec doigté les nombreux pièges inhérents à un tel script, il met en exergue une trajectoire individuelle devenue toxique, sans jamais avoir la prétention de portraiturer une génération entière. Après les maîtrisés "Potiche" et "Dans la maison", le réalisateur français s’adonne en effet, non sans talent, à une chronique humaine à tout le moins sulfureuse, portée par une actrice exceptionnelle, la délicieuse et magnétique Marine Vacth.
Documenté, audacieux et abordé avec à-propos, "Jeune & jolie" peine toutefois à s’élever en raison d’une mise en scène lisse et de fondations par trop fragiles, manque de teneur oblige. Et si François Ozon évoque avec justesse la complexité d’une cellule familiale éprouvée, il installe surtout une sorte de cordon sanitaire fort dommageable entre des personnages aux motivations floues et son public. Il en résulte une certaine distance ayant pour effet immédiat d’émousser les émotions que dégage son œuvre.Alors, si l’expérience vaut assurément le coup d’œil, il y a fort à parier qu’elle ne laissera pas, ou si peu, de traces indélébiles.