Le 12 novembre dernier, les Etats-Unis et la Chine, qui sont les deux plus gros pollueurs du monde, se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Etait-ce un tour de passe-passe ?
Il est certain que cela relève en partie du numéro d’illusionniste. Et les objectifs contraignants de réduction ne prendront pas effet avant le départ d’Obama de la Maison-Blanche, ce qui veut dire qu’il laissera le plus dur du travail à son successeur. De plus, ces objectifs ne sont pas compatibles avec le seuil des 2 °C: selon les termes de cet accord, les Etats-Unis ne réduiront leurs émissions annuelles que de 3% à partir de 2020, alors même que nous savons que les pays riches devraient les réduire de 8 à 10% en commençant dès aujourd’hui.
Mais je ne suis pas entièrement cynique pour autant. C’est une bonne chose que les Etats-Unis et la Chine n’abordent pas les négociations de Paris dans une posture d’hostilité réciproque, comme ils l’avaient fait à Copenhague. Je pense aussi que l’accord est habile d’un point de vue tactique: en liant l’objectif de réduction d’émission de CO2 des deux pays par un traité bilatéral, Obama s’assure que son successeur devra réfléchir à deux fois avant de dénoncer cet accord car il risquerait alors de se mettre à dos le plus gros partenaire commercial des Etats-Unis.
Mais le plus important est que les engagements pris par la Chine sapent l’argument derrière lequel s’abritent depuis toujours les Etats-Unis pour justifier leur négligence en matière de climat: pourquoi nous arrêter de polluer alors que la Chine continuera à le faire ? Pour la première fois, la Chine s’engage à restreindre ses émissions et reconnaît qu’il doit y avoir une limite à sa monstrueuse machine industrielle qui fonctionne au charbon. Comme aux Etats-Unis, l’engagement de la Chine en dit long sur l’influence grandissante des mouvements sociaux qui réclament un encadrement en matière de pollution.
Propos recuellis par François Armanet