Naomi Klein : "Il y a un choc frontal entre l'urgence climatique et l'idéologie de nos élites"
Par François Armanet (Nouvel Obs)
Publié le 19-03-2015 à 07h49
Dans "Tout peut changer", l'essayiste canadienne explique que la lutte contre le réchauffement climatique passe par une sortie du capitalisme. Et se montre optimiste. Entretien.
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L’OBS Il y a huit ans, dans «la Stratégie du choc», vous démontriez comment un «capitalisme du désastre» profite des grands traumatismes pour faire appliquer des réformes économiques présentées comme autant de «thérapies de choc». Avec «Tout peut changer», votre nouveau livre, en quoi la lutte contre le réchauffement climatique vous apparaît-elle comme la continuation logique de cette critique?
Naomi Klein «La Stratégie du choc» analyse comment le pouvoir capitaliste exploite systématiquement les crises afin d’imposer des politiques qui enrichissent une élite restreinte en démantelant toute réglementation, en procédant à des coupes dans les dépenses sociales et en privatisant à grande échelle le secteur public. En écrivant ce livre, j’ai découvert que le réchauffement climatique est la dernière crise en date à faire l’objet de ce genre d’exploitation: c’est devenu évident à mes yeux lorsque je suis allée à La Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina et que j’y ai observé ce que je décris comme un «apartheid social».
A l’évidence, les chocs créés par les changements climatiques vont être exploités pour créer une société toujours plus inégalitaire, en faisant main basse sur une part encore plus importante du secteur public et en s’en prenant aux droits de la majorité des citoyens. Il y aura un tout petit groupe de grands gagnants et une grande masse de perdants. «Tout peut changer» est ma réponse à ce que j’ai entendu lorsque je parcourais le monde durant la promotion de «la Stratégie du choc». La droite se sert des crises d’une manière qui rend nos sociétés encore plus vulnérables aux chocs à venir. A rebours de cette tendance, je propose des politiques qui reposent sur un très large soutien démocratique, par exemple en investissant massivement dans des transports collectifs bon marché ou en créant à grande échelle des emplois permettant aux salariés de vivre correctement. Cela constitue notre meilleure chance de renverser le réchauffement climatique. C’est ce que j’appelle le choc populaire: ce sont les bons qui gagnent cette fois-ci, et pas les méchants !
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