par PPHF (suite)
La principale question porte évidemment sur le rôle de Gabin, porte-parole évident des auteurs (et d'abord de Marcel Aymé) et du point de vue social qu'il chercherait à transmettre. L'engagement de Gabin dans l'aventure, très risquée, ne relève pas des besoins des trafiquants "ordinaires" du marché noir. Il y va "pour le fun", pour voir à quoi ressemble l'envers du décor, il s'encanaille en quelque sorte. Ce positionnement de dégagement hautain et du jeu de massacre qui en résulte peut sembler assez facile - le regard cruel du héros sans tâches et sans reproche sur la lâcheté, la veulerie, sur tous les aspects minables, répugnants de ses semblables. 
En fait ce road movie à pied (avec de belles images de Paris la nuit) est d'abord un récit initiatique, un essai de lucidité critique, pour le personnage interprété par Bourvil, pour le spectateur également. Le personnage de Grandgil, magistralement interprété par un Gabin énorme (certes il fait du Gabin mais du grand Gabin et il finit par entraîner Bourvil dans sa démesure) est donc un passeur. Sa grande lessive touche aussi bien les patrons (de Funès / Janvier dans sa cave) que les ouvriers - même si l'on retiendra surtout la critique, aussi violente qu'inédite, contre ces derniers. 
Mais c'est aussi un passeur très humain, qui finit par craquer lorsque les événements et le sort s'acharnent (les morceaux de cochon balancés aux chiens, la colère impossible à maîtriser devant la porte fermée du receleur) et son affection, même quand elle est assez cruelle, pour Martin /Bourvi est évidente et se manifeste avec force dans les locaux de la Kommandantur.