Par Socrate (fin)
C’est un film sur le marché noir, critique, évidemment, mais nuancé : Autant-Lara s’en gausse tout en montrant les risques encourus, même si le personnage de Gabin, ici, les relativise. Certes, le marché noir est un moyen pour certains de se faire des couilles en or, mais pour d’autres comme Martin, le personnage incarné par Bourvil, c’est seulement un moyen d’améliorer l’ordinaire, ou même d’avoir des revenus car il est au chômage… Comme dans le reste de la société, il y a les gros patrons (comme Jambier) et les manars comme Martin qui font le sale boulot à leur place... Il y a ceux à qui tout sourit, comme Grangil, qui peut facilement prendre des risques, et les gagne-petit, comme Bourvil, qui n’aura jamais la réussite de son compagnon de traversée…
La France de l’époque fleure bon l’esprit de contrebande déjà présent sous l’Ancien Régime, c’est un peu ce qu’on ressent en visionnant le film, mais s’il s’agit d’une comédie, Autant-Lara prend le parti du réalisme, et se permet d’égratigner un peu tout le monde. Il met l’accent sur la veulerie de certains Français, dans ces années cinquante où il est encore de bon ton de vanter avant tout les Français pendant la guerre comme des résistants et des héros. Il montre les profiteurs de guerre, bien sûr, mais aussi, au hasard d’une rencontre imprévue, une résistante qui pourrait être intéressée par le marché noir. Décidément, les choses sont plus complexes qu’on ne les caricature souvent, et La Traversée de Paris a le mérite de tenter de nous le montrer.
Plus prosaïquement, le film restitue bien, à nos yeux du XXIème siècle, la réalité quotidienne d’une période difficile. On mange du topinambour ; les rognons sont une richesse ; il y a des journées sans alcool, même si la définition de l’alcool ne semble pas être la même qu’aujourd’hui… Ce qui déçoit dans le film, c’est son issue, très médiocre de mon point de vue. Je vous laisserai la découvrir, cette façon qui se veut humoristique de clore le film, mais je vous en touche quand même un mot :[...raconte la fin...] Il y a là une critique sociale, mais la dernière impression, ici, est celle d’un final bâclé, pour un film qui vaut bien mieux, et que je vous recommande, pour la bonne tranche de rigolade qu’il procure.