Voir à Lire (fin)
	Batmanglij découpe avec rigueur, conduit ses acteurs à embrasser leurs personnages jusque dans leur peau et leur intimité, et insuffle à sa narration une énergie débarrassée de ses artifices formels. A la manière du Village de Shyamalan, The East renoue avec un premier degré déconcertant et salvateur, qui fait fonctionner à plein les mécanismes d’identification, de trouble moral et d’annulation de distance correspondant avec bonheur à la complexité du sujet abordé.
	Brit Marling et Alexander Skarsgard, rayonnant de sincérité et en adéquation parfaite avec cette nature rêvée qui se trouve au cœur du film, illuminent cette romance désenchantée sur laquelle planent comme une ombre ces images initiales de cauchemar éveillé. Pour l’une des premières fois au cinéma, le contexte de déréliction climatique et écologique de la planète quitte le terrain de l’effondrement apocalyptique et de la pseudo-anticipation pour s’incarner de manière extrêmement concrète dans des corps et des espaces.
	A cet égard, l’univers mis en place par le cinéaste est d’une cohérence rare avec son sujet – vacillant entre l’émerveillement des espaces naturels et l’horreur pure d’un urbanisme tour à tour glauque et glacé.Le film fonctionne par obsessions, images récurrentes, qui prennent d’un seul coup à un tournant du film une nouvelle dimension dramatique. Batmanglij conserve malgré tout quelques fétiches parfois agaçants d’un cinéma qui se cherche encore – une Ellen Page boudeuse au possible, et un dernier quart de film qui s’essouffle, égaré dans la quête absolue d’une morale en zones de gris, mais qui ressemble davantage à de la demi-teinte. On les lui pardonnera, au regard de ce film singulier, qui parle bien de notre monde actuel, en croyant dur comme fer au pouvoir de la fiction.