Il trouve ainsi en Jean-Pierre Léaud son parfait alter-ego. Au delà de la ressemblance physique, l'air buté et farouche, souriant et charmant, le jeune acteur transperce l'écran.Quand il annonce au proviseur le décès (mensonger) de sa mère, il rappelle la folie de Jean-Louis Barrault dans Drôle de drame avec un simple mais saisissant : "Elle est morte!"Son charisme nous pousse, naturellement, à vouloir l'accompagner jusqu'au bout, sans le juger (et c'est là toute la réussite du film : nous rendre compatissant).
Truffaut se donne naissance et en un film, il touche ce qui fera son cinéma : un mélange détonnant de gravité et de sensibilité, des traits d'humour et une légère érotisation. Il n'y a rien de naïf. Les enfants sont même trop matures pour leur âge. Quand on les voit mater Guignol, il s'attarde sur leurs visages, stupéfaits, tremblants, éclatants entre rires et peurs. Dans ces séquences muettes, la vie dépasse la comédie, les expressions d'un gosse sont plus impressionnantes qu'un dialogue scénarisé.Il y passe un murmure dramatique. Mais surtout ils rient de l'autorité, de ce flic qui se fait tabasser par Guignol. La morale du plus fort n'est pas sauve, et les enfants ne s'y trompent pas.(pour moi la meilleure séquence du film)
Car ces 400 coups ce n'est rien d'autre qu'un immense hymne à la liberté, de libération en fugue, d'évasion en course, d'école buissonnière en promenades nocturnes. Loin d'être à bout de souffle justement, le petit Doinel étouffe ses soupires et respire à pleins poumons, en quête d'un nouvel horizon, plus grand que la réalité. Cela rend le message universel, atemporel. Un film en apparence simple, en profondeur beau, qui finit par nous emporter dans ce tourbillon de la vie. Celle de Truffaut aura commencé avec ces quatre jeudis pour se finir un dimanche, entre deux films en noir et blanc.
- Vincy