François Truffaut et Jean Gruault ne cherchent pas à être fidèles à tout prix à l’œuvre autobiographique de Roché, puisqu’ils n’ont pas hésité à effectuer des remaniements substantiels, à faire disparaître des personnages ou développer au contraire des passages seulement esquissés. Car adapter un univers créé préalablement par un écrivain n’empêche pas de se l’approprier. Cela dit, jamais Truffaut et Gruault ne trahissent l’essence littéraire de Jules et Jim.
Plus qu’une adaptation purement cinématographique, le film s’impose même comme un modèle de « roman filmé » (2), selon l’expression de François Truffaut. D’ailleurs, la poésie des mots précède le tourbillon des images : avant le générique de début, la voix rugueuse de Jeanne Moreau se superpose à un écran noir, ce qui préfigure l’utilisation massive de la voix-off qui émaille le film d’un bout à l’autre.
Grâce à ce procédé, la plume d’Henri-Pierre Roché rencontre naturellement la caméra de François Truffaut. La scène où Jim raconte son histoire à Catherine au cours d’une promenade nocturne dans la nature est une bonne illustration de cette connivence : tandis qu’un travelling épouse la marche des promeneurs, la voix-off résume en quelques secondes le long monologue de Jim ; toujours au cours du même plan-séquence, Catherine commence alors à raconter sa propre histoire en temps réel.
François Truffaut ne se soucie pas ici de réalisme mais recherche dans sa manière de filmer la sobriété et la concision du style d’Henri-Pierre Roché. A cet égard, l’incipit est d’une précision remarquable : en un peu plus d’une minute, la voix-off pose le décor, relate la genèse de l’amitié entre Jules et Jim, leur complicité intellectuelle et leur quête de la femme désirable. Le montage vif épouse le débit rapide du narrateur, qui impose son rythme au film.