Pour tout dire, à courir tant de lièvres à la fois, il nous semble parfois qu’Ascenseur pour l’échafaud passe à côté de quelque chose ; prenons cette trame principale concernant Julien, accusé d’un crime qu’il n’a pas commis mais qui l’innocenterait de celui qu’il a réellement perpétué : on rêverait tout simplement de savoir ce que, à la même époque, un Fritz Lang aurait pu faire d’un tel postulat ! Mais à vouloir également raconter une (voire des) histoire(s) d’amour ; traduire l’atmosphère de ces nuits parisiennes ; livrer une critique du modèle consumériste qui fait rêver la jeunesse française ; évoquer le poids lancinent de la guerre sur la société de l’époque... le film donne parfois l’impression d’être dans l’approche de tout ce qu’il aimerait être mais ne parvient finalement qu’à effleurer.
Ce n’est pas, entendons-nous bien, un film basé sur l’esbroufe, un coup d’éclat de petit malin recherchant le tape-à-l’œil ou l’ostentatoire, et il faut certainement reconnaître à Louis Malle une retenue et une rigueur certaine dans la réalisation, mais plutôt, à nos yeux, une œuvre dont les ambitions ont outrepassé la concrétisation. (5) C’est ainsi finalement lorsqu’il ne dit pas du tout, et qu’il laisse l’imaginaire du spectateur faire son travail, qu’il devient le plus stimulant : le personnage de Julien, par exemple, est ainsi habité d’une belle ambigüité.