Et la troisième est franco-française, mais dans les tensions propres au cinéma hexagonal de l’époque : dans son exploration du "milieu" criminel, particulièrement active dans les années 50, le cinéma français oscille alors entre une tradition "à l’ancienne" (plutôt littéraire, avec des dialogues ciselés maîtrisés par des comédiens de stature et d’expérience) et une volonté de réinventer le genre, notamment formellement, en y insufflant une forme d’efficacité "à l’américaine".Entre Henri Decoin et Jean-Pierre Melville (3), entre Gilles Grangier et Jacques Becker, Louis Malle semble parfois naviguer à vue : la première séquence faisant intervenir Julien Tavernier, peut par exemple - toutes proportions gardées - rappeler l’impressionnant casse central du Rififi chez les hommes de Jules Dassin : muette, elle décrit une préparation méticuleuse, dans laquelle le silence et le cadre seuls génèrent la tension.
En ce sens, il y a une démarche quasi-béhavioriste chez Malle, qui semble s’interdire de commenter l’action qu’il décrit. Et puis, aux antipodes, débarquent les monologues intérieurs de Jeanne Moreau, extrêmement (trop) écrits, avec des commentaires comme : « Je t’ai perdu dans cette nuit, Julien. Il fallait te laisser tranquille, ne pas t’embrasser, ne pas caresser ton visage. Si tu n’as pas tué Simon ; tant pis, si tu as eu peur, tant mieux, mais il faut que tu reviennes, il faut que tu sois là, vivant, à côté de moi, Julien. Il faut. Il faut. Il faut. »