Le jazz - qui plus est partiellement improvisé -, la cavale des deux jeunes, une certaine liberté de ton : comment donc, en voyant Ascenseur pour l’échafaud, ne pas penser à la Nouvelle Vague, et en particulier à A bout de souffle que Jean-Luc Godard tournera moins de deux ans plus tard ? Et donc, pour un redoutable argument chronologique (Chabrol n’a pas encore tourné Le Beau Serge, ni Truffaut Les 400 coups), comment ne pas faire du film le "premier" film du mouvement ? Ce serait beau, ce serait simple, ce serait surtout à nos yeux aussi inutile qu’inexact. Pas parce que l’on ait spécialement envie de réfuter les indices qui tendraient à associer le film au mouvement, mais parce que cela reviendrait à occulter bien d’autres aspects au moins aussi importants. D’une part, Louis Malle n’a, sa vingtaine d’années mise à part, à peu près rien à voir avec l’émulation qui stimule alors les bouillonnants rédacteurs des Cahiers du Cinéma (et c'est tant mieux)
et qui débouchera ensuite sur les grandes lignes directrices, narratives comme esthétiques, de la Nouvelle Vague. En ce sens, la liberté de ton ou l’ambition qui le meuvent sont davantage, comme cela a déjà été évoqué, conjoncturelles que théoriques. D’autre part, s’il y a incontestablement des aspects, dans Ascenseur pour l’échafaud, qui peuvent rappeler la Nouvelle Vague, c’est bien parce que le film, nous l’avons là aussi déjà dit, se situe délibérément à un carrefour assez foisonnant de styles, d’époques ou d’influences, et qu’il est alors précurseur autant qu’il est indissociable de ce qui l’a engendré. La Nouvelle Vague est l’une des nombreuses routes qui passent par ce carrefour, ce n’est que l’une d’entre elles.