Quelques décennies plus tard, on peut considérer que le passage à la postérité d’Ascenseur pour l’échafaud est au moins justifié par un aspect : sa bande-originale, qui fut un grand succès commercial et qui demeure aujourd’hui probablement plus connue que le film en lui-même. Signée Miles Davis - jeune trentenaire qui était parvenu à se faire un nom aux Etats-Unis avec son Quintet, dans lequel on retrouvait notamment un John Coltrane quasi-débutant -, elle fut enregistrée en deux jours (4 et 5 décembre 1957) dans un dispositif extrêmement novateur qui contribua à sa légende : réunis en studio, les cinq musiciens (2) disposaient d’un moniteur diffusant la séquence à accompagner, avec la durée de celle-ci. Libre à eux alors d’improviser,
selon la "couleur" voulue par Davis (le seul ayant déjà vu le film monté), de façon à faire coïncider le mieux possible la musique et l’image. Désireux d’aller vers l’abstraction, Miles Davis - dans une démarche souvent utilisée par les musiciens de Be-Bop - partait à l’occasion d’un standard, qu’il débarrassait de lignes mélodiques ou rythmiques trop reconnaissables pour laisser les cuivres ou la contrebasse construire un univers sonore singulièrement différent. Le résultat est à l’écran particulièrement efficace lors des séquences d’errance nocturne, lors desquelles la musique contribue à créer une atmosphère énergique et inquiète à la fois.
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En train de l'écouter durant la publication 