La critique mi-figue mi-raisin du Jardin des Arts
En allant voir ce film vous constaterez qu’il ne s’agit pas d’un "biopic", tel qu’on l’entend habituellement.Centré sur la fin de la vie de l’artiste,le réalisateur s’est intéressé davantage à la personnalité du peintre qu’à l’histoire de sa vie et de son oeuvre.C’est un film d’ambiance qui retranscrit parfaitement l’indicible attachement d’un peintre à son modèle, la belle Andrée, à la chevelure de feu et à la peau lumineuse, qui saura aussi séduire le fils, Jean Renoir, qu’elle suppliera de se lancer dans une carrière cinématographique, dont l’Histoire écrira le succès.
C’est un film éclatant, solaire que propose Gilles Bourdos, qui, par des mouvements de caméra parfaitement glissés, presque imperceptibles, saisit toute la beauté des corps nus, des regards, du chatoiements des feuilles et des herbes folles qui emplissent l’écran dans une lumière parfaitement maîtrisée.
Renoir, au crépuscule de sa vie, perclus des douleurs terribles de la polyarthrite, aime profondément la vie et continue de la peindre pleine de couleurs, avec une vivacité incroyable. Jusqu’au bout, Renoir peint, inlassablement transporté de son lit à son atelier par ses domestiques, installant son chevalet en plein air pour mieux saisir encore les lumières méditerranéennes sur les corps généreux et féconds de ses modèles.
Auguste Renoir signe son dernier tableau Les Baigneuses en 1919, année même de sa mort, laissant ainsi à la postérité un véritable testament pictural, que le réalisateur Gilles Bourdos, ne manque pas d’évoquer (malgré le petit anachronisme), dans une scène de plein air ou Andrée et une domestique cherchent la pose idéale qui satisfera pleinement le maître.
Ce film est aussi une plongée dans l’époque de la Grande Guerre, qui vient en toile de fond de cette grande fresque familiale, rappelant que deux des fils de Renoir s’engagèrent dans l’armée française. Le film se situe en 1915, lorsque Jean Renoir revient au domaine des Collettes après avoir été blessé au front. C’est l’occasion pour lui de renouer des liens forts avec son père, en l’assistant dans son atelier pour lui donner ses pinceaux, installer les modèles…
Le réalisateur suit le fil ténu de la filiation qui se tisse entre deux êtres, l’un accompli, l’autre en devenir, qui fait se demander si finalement, "Renoir", le titre du film, ne doit pas se comprendre au pluriel. Renoir montre les derniers moments de la vie d’un peintre, partagés entre la beauté solaire de sa résidence méridionale, la souffrance d’un corps sur le point de dire adieu au monde et la nécessité d’une création perpétuelle transcendant le cadre temporel de son existence.
Mais en négligeant le personnage de Jean et en ratant celui de la future Catherine de Hessling, pourtant pivot de son film, Gilles Bourdos est passé à côté de ce qui aurait donné un peu de sel à son histoire.