à droite -Gaby Morlay : Geneviève, femme d'Edmond Gonin et sœur de Jérôme Nizard
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Le texte de Jeanson crée une atmosphère lourde et théâtrale. Christian-Jaque apporte grâce à ses inventions poétiques, un peu de légèreté. Les courants d'air fantomatiques, les vues de Lyon dans le brouillard, et surtout un montage rapide qui projette le spectateur au coeur des coulisses d'un ballet, donnent de l'allégresse au film. Les danseuses évoluent aussi gracieusement dans les escaliers que sur scène. Le cinéaste révèle que l'affolement dans les loges est encore plus touchant que les entrechats devant le public. Souplesse, vitesse, la course entre les loges et la scène est magnifiquement chorégrahiée.
Cette envolée n'équilibre pas complètement la dureté des répliques «anti-soyeux». Comme le remarque Philippe Roger, le film «déterminera pour une large part l'image de Lyon dans le cinéma français d'après-guerre». Cette vision de la «bonne société» locale n'a pas été inventée par Jeanson. Plusieurs romanciers ont décrit les aspects les plus sombres de Lyon. L'un d'entre eux, Henri Béraud s'est directement inspiré de l'affaire Gillet. Philippe Roger compare le livre et le film.
« Le scénariste du film de Christian-Jaque ne pouvait pas ne pas connaître Ciel de suie, le célèbre roman de Béraud publié une douzaine d'années avant la réalisation du Revenant. On y trouve, à la base de l'intrigue le même fait divers qui secoua en profondeur Lyon dans les années vingt (...).Mais les similitudes vont plus loin : comme le roman, le scénario met en scène deux terribles soyeux (...). La vie entière des soyeux est montrée comme une prison sans issue :
"Vingt ans de la même vie, deux fois par jour le même chemin : Bellecour, Le Griffon, le Griffon, Bellecour ! Parfois ils le reprennent au milieu de la nuit. C'est plus fort qu'eux. Et heureux avec ça, les pauvres, comme ces vieux ours des jardins zoologiques, auxquels une piste ronde entre deux cages donne l'illusion de la liberté"».
D'autres éléments prouvent que Jeanson a été «inspiré» par le roman. Philippe Roger explique pourquoi le romancier ne fut pas évoqué par le générique : «Il ne faut pas accuser le scénariste, mais simplement rappeler le contexte historique : on se trouve en pleine épuration - une épuration dont le cinéaste s'est fait le héraut. Or Béraud est encore sous le coup de sa condamnation pour sympathies vichyssoises...».