L'évocation de l'affaire Gillet, même sous une forme onirique, et comique, ne peut échapper aux Lyonnais de 1946. Le reste du film, avec un humour acerbe, attaque les habitudes de certains des bourgeois d'Ainay, vieux quartier des riches familles de la ville. L'avarice, les turpitudes cachées («je te prêterai ma garçonnière» assure Nizard à son fils qu'il veut marier à une fille laide mais riche !), le carcan familial et les habitudes, enferment les personnages dans un destin sans surprise. Geneviève explique à la fin du film :
«Comment ai-je pu croire que tu pourrais m'aimer avec ma dégaine de petite-bourgeoise et tous ces tics que j'ai dû acquérir à mon insu pendant que tu n'étais pas là ! Comment ai-je pu croire que je pouvais lutter contre mon propre fantôme ? Je vais retourner à la maison, c'est ma place. Celle que j'ai choisie... Car je l'ai choisie... Tu avais deviné juste».
Jeanson n'a pas lésiné sur la noirceur, et même Jouvet représente le cynisme et la vengeance tout en froideur et humour noir. Le seul personnage sympathique est celui de la tante Jeanne (Marguerite Moréno), extravagante, rejetant les hypocrisies, et désignant sa famille sous le terme de «cloportes». François Gonin, le jeune homme romantique (François Périer) est naïf. Jean- Jacques sous-entend que ses velléités artistiques ont peu d'avenir. Il lui annonce «oui, oui, vous avez beaucoup de talent... [et en aparté, fermant une porte] comme boy scout».
Une scène dénonce en bloc les soyeux, quand Geneviève croyant pouvoir s'enfuir avec Jean-Jacques, fait ses adieux à la bourgeoisie présente dans la salle. Elle commente :
«Une seconde... le temps de prendre congé de tout ce joli monde... Adieu honorable assistance... Adieu, mon passé... ma vie perdue... mes jours sans fin... Adieu, Monsieur Lanessus... vous avez cent mille francs de rente, pas un sous d'honnêteté...(...) Adieu, Madame Boncornet, je vous laisse à vos bonnes oeuvres et à vos filles repenties... continuez à éplucher les comptes de votre cuisinière... Adieu Scipion Cornelier, cher Jésuite aux trois maîtresses... Adieu Cornélie Sibinnet, punaise de sacristie, aux cuisses légères et aux seins lourds [...] Adieu Mademoiselle Biscail, adieu mauvaise langue [...] Adieu les familles honorablement connues sur la place... Adieu félicités lyonnaises ! ...».