L'ACCUEIL D'UN REVENANT .par Maurice Barnier
Le film de 1946 écrit par Jeanson, se déroulant à Lyon, reçut-il un bon accueil de la part du public dans cette ville ? Pour essayer de le savoir nous avons étudié la presse de l'époque ainsi que les archives du Crédit National concernant le film. Les réactions des critiques de cinéma ne donnent pas l'opinion de tous les spectateurs, mais restent un bon baromètre pour savoir si cette oeuvre de Christian-Jaque déclencha un scandale, comme on l'entend souvent.
Pourquoi Un Revenant aurait-il pu faire des remous ? Observons le scénario, et la manière dont le sujet fut traité par Christian-Jaque, avant d'étudier le problème de la réception du film.
Raymond Chirat, grand cinéphile lyonnais, résume le fait divers qui inspira le scénario d'Henri Jeanson «L'affaire Gillet. C'est une sordide affaire lyonnaise(...). L'écrivain Henri Béraud en atiré Ciel de suie ; (...). Il faut resituer le cadre, à savoir l'année, 1922, dans la villa des Gillet,une très riche famille de soyeux. Un garçon s'est nuitamment introduit dans cette villa et s'est retrouvé nez à nez avec le jardinier de la maison qui lui a proprement défoncé le crâne et arraché un oeil à coups de canne de golf, le laissant, à tort, pour mort : premier épisode.
Le deuxième, c'est que ce (...) jardinier a ensuite été expédié à l'armée. Sous couleur de lui faire passer des visites médicales, on ne l'en a plus jamais fait ressortir. Enfermé pour qu'il n'y ait pas de témoin gênant. Car le fond de l'histoire, c'est que la maîtresse de maison partageait son amant avec sa fille. Ressentant soudainement les fureurs de Phèdre, elle avait aposté ce tueur à gage pour massacrer la tête de l'amant, qui s'en est très mal remis - j'ignore ce qu'il est devenu».
1-Les Archives départementales du Rhône, et surtout la bibliothèque municipale de Lyon, nous ont permis d'accéder à la presse de l'époque.Le Fonds du Crédit National, à la Bifi, s'est révélé d'une grande richesse cote CN 0152 B99, dossier «Un Revenant/Christian-Jaque», AEc/144. Merci également à l'Institut Lumière, à Lyon, et au centre de documentation du cinéma Le France, à Saint-Etienne.
2-Dans la seule monographie consacrée à Christian-Jaque, Raymond Chirat précisait cet épisode : « Sous couleur d'éviter le service militaire au jeune meurtrier télécommandé, la famille en question offre de le faire entrer dans un hôpital psychiatrique d'où il ne sortira jamais. (...) Mais le cercle de famille resta uni et son prestige ne fut même pas terni».
Raymond Chirat/Olivier Barrot, «Christian-Jaque»