Scarlett Johanson à Cannes
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...le serveur l'avait déconnectée et Georgie se sentit possédée d'une rage si absurde qu'elle se demanda ce qu'il lui arrivait.Ni ce rafiot,ni ce type de Manille n'avait la moindre importance : ils comptaient aussi peu que tout ce qu'elle avait trouvé sur les autres sites.A vrai dire,elle avait du mal à se rappeler comment elle avait passé ces six heures.
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Elle avait musardé à travers la galerie des offices avec autant d'enthousiasme qu'un touriste aux pieds reduits en compote.Elle avait scruté en direct l'image d'une caméra de surveillance dans un centre commercial de Perth,bifurqué vers le fan club brésilien de Frank Zappa,contemplé le pot de chambre de Francis Drake à la tour de Londres avant de tomber sur une discussion entre citoyens du monde partageant le même fantasme de l'amputation.
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Se connecter-la bonne blague.Ils auraient mieux fait d'appeler ça"se barrer".Quand Georgie s'installait dans son siège devant l'ordinateur,tel un retraité à la table de poker,parti pour rafler la mise,elle décollait.Nuit après nuit,au coeur de cette galaxie d'informations inutiles,elle allait à la rencontre d'individus et d'idées dont elle aurait pu se passer.Elle n'aurait pas pu dire pourquoi elle se fatiguait mais ça avalait le temps.
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Au demeurant il fallait avouer que c'était bien agréable d'être débarassé de ce corps provisoirement :elle éprouvait une certaine griserie à n'avoir ni âge,ni sexe,ni passé.
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On se trouvait devant une succession infinie de portails grands ouverts,de menus et de couloirs qui vous conduisaient à des rencontres brêves et indolores,où l'on vous faisait croire que la vie se réduisait à une balade aléatoire.Un monde sans conséquence amen.Et dans ce monde là,elle se sentait aussi légère qu'un ange.
extrait de "PAR DESSUS LE BORD DU MONDE de Tim Winton (Australie)