Critique et analyse d'ABUS DE CINé(3)
Construction cartographique
Le premier signe de cartographie se situe dans le générique, lors de la présentation des acteurs et de leur personnage respectif sous forme photographique. L’arrière-plan de l’image est constitué de croix blanches, encadrant un peu plus Lola, Manni…Tom Tykwer instaure intentionnellement un cadre à l’intérieur du cadre photographique, entourant le personnage qui est comme « emprisonné » par la narration.
Puis les premières images du film, nous montre un plan de la ville de Berlin, lieu où se déroule la course effrénée de Lola. Vu en plongée par voie aérienne, cet ensemble de rues est tel un réseau qui sera le théâtre de ce sprint contre l’horloge. L’histoire de Lola débute avec un montage alterné entre elle et Manni, ce qui instaure le suspense, soutenu par une musique contemporaine dynamique. L’ami de Lola se trouve dans une cabine de téléphone à l’autre bout de la ville. Sur ces plans, le réalisateur donne différents points de vue de telle sorte que le spectateur le ferme dans sa cage dorée. La structure de ces images est minutieuse. Les lignes horizontales et verticales, que tracent la cabine et le décor, sont considérables et mettent en avant l’idée que Manni n’a plus le choix. Il doit trouver l’argent ou mourir.
Sur la route de Lola, nombre de signes cartographiques sont présents au travers des lignes et motifs. Tous les détails ont leur importance, aucun intrus dans l’image. Tout est calculé de façon à mettre en place un suspense et une relation entre les protagonistes, les lieux et les différentes étapes de Lola. Les deux passages de l’héroïne sur la place dallée, sont filmés en plongée, mais la construction de l’image est différente. Cette place dessine un quadrillage strict, où les lignes directrices sont noires. Nous constatons que Lola la traverse une première fois en suivant les diagonales du quadrillage, puis une deuxième fois en courant sur l’une des lignes directrices.
Le sens de la course est le même à l’écran mais pas la direction de Lola. Voilà une démonstration de l’importance d’un détail sur le déroulement du reste de la narration. Les décisions de l’héroïne (ou du réalisateur ?) influent sur sa vie et celle de Manni, ses choix de trajectoire étant primordiaux pour la suite. La forme du dallage de la place et sa certaine rigueur de construction sont rappelées par la porte blindée de la banque que traverse à plusieurs reprises Lola. Les quadrillages sont nombreux dans le décor berlinois mais aussi dans le montage du film qui fait usage du "split-screen", combiné avec la porte coulissante du grand magasin.