DVD CLASSIK (7)
77 minutes seulement de film noir brut de décoffrage à l’énergie euphorisante.Une splendide photographie de Joseph McDonald au noir et blanc extrêmement contrasté, une partition entêtante de Leigh Harline à la fois syncopée, jazzy et comprenant des accords faisant penser à de la musique asiatique, une mise en scène vigoureuse et lyrique au tempo haletant.Une utilisation phénoménale de la profondeur de champs, de savants et flamboyants mouvements d’appareils dévoilant de poétiques plans d’ensemble alternant avec de longs plans séquences et de très gros plans parmi les plus expressifs et sensuels jamais vus au cinéma, tout ceci marqué par la sensibilité à vif du cinéaste.
Bref,comme le disait Martin Scorsese"une mise en scène graphique qui a la force des dessins de storyboardsun style totalement cinématographique" et donc une remarquable leçon de cinéma puisque tout y passe dans un ensemble sans véritable continuité stylistique hormis l’instinct du metteur en scène à nous scotcher à l’écran.
Et pourtant à la vision des deux séquences de vol qui ouvrent et closent le film, on est stupéfait à la fois par la science du montage et du découpage de Fuller et par la symétrie et la ressemblance qui existent entre les deux scènes : je me demande si l’instinct a eu ici un grand rôle à jouer tellement la perfection est au rendez-vous !Quant à l’intrigue, elle est d’une très grande linéarité, simple et réduite à l’essentiel.
Même si Fuller trouvait idiot que les français aient transformé les communistes en dealer*, il faut bien admettre qu’à l’intérieur de cette histoire, c’est tout aussi crédible, ce qui prouve que l’anticommunisme vilipendé du film n’était pas d’une aussi grande importance, n’étant pas le principal sujet mais, comme les "McGuffin" chers à Alfred Hitchcock, un simple détail.
Les protagonistes,des premiers rôles aux 3e couteaux sont tous très précisément caractérisés mais possèdent aussi chacun leur ambiguïté et leur part d’ombre. Fuller nous rend tous les personnages principaux très proches car, s’ils sont pour la plupart en équilibre précaire sur la corde raide entre le bien et la mal, ils possèdent une part d’humanité non négligeable qui ressort parfois au grand jour :Candy, en assommant Skip pour le retenir d’aller faire une action déshonorante ; Moe en refusant de livrer Skip par peur du sort qui lui adviendrait ;Skip, en allant chercher le cadavre de Moe qui allait partir pour la fosse commune et lui offrir un enterrement décent comme elle en avait toujours rêvé.