DVD CLASSIK Analyse (fin)
Son combat avec ‘L’Etrangleur’ demeure une séquence anthologique par sa violence brutale et bestiale, la bataille de deux taureaux furieux qui semble ne jamais vouloir finir, pour le spectateur non plus qui se sent vite étouffé tellement ce combat est filmé au plus près des corps et des visages.Fulgurant et éprouvant, assez unique pour l’époque.Mais sans ‘la chasse aux sorcières’, aurions nous pu être témoin de cette œuvre fulgurante ? Peut-être sous la direction de Jacques Tourneur (comme il avait été prévu dans un premier temps) mais il aurait très certainement eu un style totalement différent.
Pour protéger son ‘poulain’ et ami, Daryl Zanuck, content de ses précédents films, décide d’envoyer Jules Dassin en Angleterre afin qu’il ne soit pas ennuyé ni persécuté par la Commission des Activités Anti-américaine car il était en très ‘bonne’ position sur la ‘Liste Noire’. «Fous-moi le camp à Londres et vite ; il y a un film à tourner là-bas » lui dira t’il. Night and the City sera donc son premier film après son départ forcé des USA, un complément à ses films noirs américains : Brute Force, The Naked City et Thieve’s Highway.Il n’y reviendra plus et malheureusement n’atteindra jamais plus le même niveau d’excellence même si Du Rififi chez les hommes et Jamais le dimanche se laissaient voir sans déplaisir.
De toute sa filmographie, Les Forbans de la nuit est sans aucun doute son œuvre la plus intense et la plus réussie. Son mélange de réalisme (vision quasi documentaire de la vie et de la faune londonienne ;âpre description des protagonistes)et d’onirisme (expressionnisme des décors ,de la photographie) en font une œuvre baroque, presque ‘fellinienne’ avant l’heure, proche de la tragédie grecque qui rappelle un peu les films de Carol Reed (surtout le superbe Huit heures de sursis) et annonce, comme nous l’avons déjà évoqué, ce sommet ‘Wellesien’ qu’est Touch of Evil.Jules Dassin (tout comme Welles en 1958) dévoile, sans aucun romantisme, un pessimisme fondamental sombre et sans espoir sur les vertus de l’homme, toujours prêt à trahir comme il aura pu l’expérimenter lui-même à cette période noire du maccarthysme.
Il utilise un découpage serré, nerveux, des cadrages inhabituels, un style paroxystique et une photographie qui résulte aussi bien de l’influence américaine qu’européenne.La très grande habileté du scénario de Jo Eisinger provient du fait que, après avoir établi la formidable capacité de cet individu à tricher, il divulgue progressivement la machiavélique manœuvre dont est victime ce manipulateur qui semblait devoir mener le jeu et qui se fera prendre à son propre piège, la roublardise ne pouvant pas pleinement prendre le pas sur la naïveté.Le tout enrobé par la composition extraordinaire de l’immense Franz Waxman, stridente, exacerbée, syncopée et l’admirable photographie de Max Greene… Un chef-d’œuvre du genre, un film noir de chez noir !