DVD CLASSIK Analyse (suite)
Le couple est interprété par une Googie Withers étonnante en femme entièrement mauvaise, incarnant la garce typique du genre, et par un Jack L. Sullivan, moins connu que Sidney Greenstreet dans le même style de rôle mais tout aussi inoubliable. Grâce à son talent, on arrive à le prendre en pitié lorsque sa femme le quitte, qu’il se dit qu’elle lui reviendra inévitablement et qu’il acceptera alors de la reprendre. Mais Dassin se sert tout autant de ses qualités d’acteur que de son physique écrasant : il est filmé de telle sorte que son embonpoint mange tout l’écran et qu’il comprime les autres personnages par ses postures : contres plongées mais aussi placements dans le cadre comme ce plan extraordinaire et totalement fixe qui voit le gros homme assis en premier plan et qui parle de loin avec Gene Tierney placée, elle, en retrait dans le fond de l’écran mais très nette grâce à la profondeur de champs.
Discussion banale qui est d’ailleurs à l’origine du sentiment d’empathie que nous commençons à éprouver pour le gros homme malgré qu’on se doute qu’il sera sans pitié pour ses ennemis.N’était-il pas aussi question de combats de lutte au centre de l’intrigue ? Nous y venons avec la présentation des deux derniers personnages qui finissent de compléter le tableau des rôles principaux. D’un côté le père, Gregorius, qui, hormis Mary, est le seul protagoniste entièrement positif du film, « The Honorable Man » plénipotentiaire des valeurs, de l’honneur et la dignité de l’ancienne génération, du vieux monde.
Trop positif d’ailleurs pour pouvoir survivre au milieu de ces ‘forbans de la nuit’. Il représente le noble art de la lutte gréco-romaine face à la pseudo-lutte,spectacle commercial (le catch ?) qui l’a détrôné, qui fait désormais fureur à Londres et dont les combats sont organisés par son propre fils, Kristo, mafioso par dessus tout.Kristo, c’est le futur et hilarant Dreyfus de la série des Pink Panther de Blake Edwards, Herbert Lom. Ici, d’une belle sobriété, assez inquiétant mais malgré tout nous octroyant lui aussi sa séquence émotion : difficile de ne pas avoir la gorge nouée lorsque nous le surprenons en pleurs dans les bras de son père.
Pour le rôle de Gregorius, Jules Dassin décide de faire appel à Stanislas Zbysko, 70 ans, qui était champion du monde de lutte gréco-romaine à l'époque où le cinéaste avait cinq ans Mais Zbysko est inconnu des habituels agents et plusieurs de ceux-ci lui disent même qu’il est mort depuis longtemps.Dassin insiste et quelqu'un retrouve enfin sa trace. Dassin comprend que c'est exactement le personnage dont il a besoin et nous ne pouvons que l’approuver vu le résultat à l’écran.